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Yassine Benajiba sera pas de la partie ce jeudi face à l’UC Dublin. Son tee-shirt «Free Gaza Palestine», bricolé à la hâte dans les vestiaires avant la rencontre face au club bulgare du Ludogorets Razgrad, lui a coûté deux matches de suspension. Aujourd’hui, il assume et le fait savoir dans une interview accordée au site du Quotidien.

Le Quotidien : Vous le saviez depuis quand que vous ne joueriez pas le 1er tour des compétitions européennes de ce mois de juillet 2015?

Benajiba: Quelques jours après le match contre Ludogorets, le secrétaire du club m’a prévenu qu’il y aurait sûrement des sanctions.

Le Quotidien: Vous en pensez quoi?

Benajiba:Que le monde du foot est dirigé par une bande de crapules. Qu’ils me suspendent tant qu’ils veulent, je garderai ma liberté de parole!

Le Quotidien: C’est justement le principe mis en avant par les instances internationales : celui d’un football politiquement neutre. Benajiba: Si tu montres un tee-shirt dans lequel tu soutiens Marc Dutroux (NDLR : pédophile belge arrêté en 1996), je comprends le souci. Mais là, il s’agissait d’une cause noble. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : il venait d’y avoir plus de 500 morts en Palestine en deux jours seulement et à la télé, on voyait tourner des images de femmes et de bébés morts. Moi, je voulais juste avoir une pensée pour eux. Alors j’ai bricolé ce tee-shirt dans les vestiaires, juste avant le match. Même mes coéquipiers n’étaient pas au courant, mais certains m’ont aidé.

Le Quotidien: Et vos dirigeants, ils en ont pensé quoi?Benajiba: Ils ne savaient pas et n’ont rien dit après. Pas de remontrances. Et de toute façon, s’ils l’avaient fait, j’ai mes convictions et j’aurais répondu que je faisais ce que je voulais. D’ailleurs, même en sachant que j’ai écopé de deux matches de suspension, je le referais quand même. Je ne vois pas le problème si je dénonce à ma manière et à ma petite échelle le fait qu’on tue des femmes et des enfants, quelle que soit la partie du monde où cela se passe. C’est une question d’humanité et qui dépasse largement le cadre du sport. Si ce que j’ai fait ce jour-là (NDLR : le 22 juillet 2014) a pu servir à ce qu’au moins une personne au stade s’interroge sur la Palestine, cela n’aura pas été inutile et ma suspension, dans ces conditions…

Le Quotidien: Quand on confectionne un tel tee-shirt, cela vaut la peine de le montrer. Or c’est souvent ce qu’on fait lorsqu’on marque un but. Cela vous aurait embêté de le garder caché parce que vous aviez été balayés par Ludogorets (NDLR : le match s’était fini à 1-1)?Benajiba:Bon, là, je n’ai pas marqué, mais c’est moi qui donne la passe décisive sur le but de Turpel et ça compte autant pour moi. C’est vrai que montré un tee-shirt à message, comme ça, ça se fait naturellement. Je n’aurais peut-être pas pu le montrer, effectivement. Mais puisqu’on l’a fait, je trouvais beau de le faire. Oui, on est heureux après un but, mais il y a d’autres choses plus importantes. C’est une fierté de dénoncer une injustice. J’ai mes valeurs. D’ailleurs, il n’y a pas que Gaza qui me tienne à cœur. Il y a aussi le Congo, la Birmanie… J’aide plusieurs ASBL belges actives partout dans le monde. Depuis six ou sept ans, je verse un peu de mon salaire pour aider les pays en difficulté. Alors ce n’est pas l’UEFA qui va me faire peur! Dénoncer des crimes, ce n’est pas faire de la politique.

Le Quotidien: Cela va pourtant vous coûter les deux matches contre l’UC Dublin…Benajiba: J’espère de tout mon cœur qu’on passera ce tour et que je puisse aider mes coéquipiers au 2e. Mes coéquipiers m’ont dit qu’ils essaieraient de se qualifier pour moi.

Le Quotidien: Il y a d’autres choses qui vous agacent en ce moment et qui pourraient nous valoir un autre tee-shirt ?Benajiba: Il y a tant de choses qui m’agacent! Mais là, récemment, c’est surtout la tuerie en Tunisie (NDLR : vendredi, un islamiste a tué 38 vacanciers dans la cité balnéaire de Sousse). C’est de la pure folie. Ce genre de personne, il ne faut pas les appeler des croyants, ce sont juste des fous et nous autres musulmans, nous leur crachons dessus. Je trouve ça juste dommage qu’on les appelle des islamistes car cela peut engendrer des amalgames.