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En 2008, l’ancien capitaine de Valenciennes, Abdeslam Ouaddou, avait été victime d’insultes racistes lors d’un match à Metz.

Quelques jours après l’affaire Gouano à Dijon, il pointe les difficultés du football à lutter contre ce phénomène. Il y a onze ans, lors d’un match Metz-Valenciennes (le 16 février 2008), l’ancien capitaine nordiste Abdeslam Ouaddou avait été la cible d’insultes racistes.

Un événement qui a marqué l’ex-international marocain, 40 ans, aujourd’hui entraîneur chez les jeunes à Nancy. Après l’affaire Gouano et l’interruption du match Dijon-Amiens vendredi, l’ex-défenseur fait le point sur la lutte contre le racisme.

Que vous inspire l’affaire Gouano ?

Abdeslam Ouaddou : Je suis triste pour le joueur, pour sa famille et pour le football. Le sport est un modèle unique en termes d’intégration, de vivre ensemble, de partage, de solidarité. Mon problème à Metz date de onze ans et on voit que les choses n’évoluent pas dans le bon sens. Ce fléau est toujours présent. Je pense que les instances font ce qu’il faut et essaient de lutter contre ça mais c’est d’abord un problème de société. Sur le plan politique, les extrêmes prennent de l’ampleur en Europe. Le football ne doit pas en être l’otage.

C’est un sentiment d’impuissance…Le seul remède, c’est l’intelligence. Nous rabaisser comme ça à des animaux, c’est juste pathétique. La Fédération, la Ligue, le syndicat des joueurs font des choses et sensibilisent. Mais aujourd’hui, ils sont démunis. Quand des personnages politiques, qui sont des leaders d’opinion, véhiculent des messages de haine et de division entre les peuples sur le sol français en allant à l’encontre des valeurs de la République, on ne peut pas être surpris d’assister à ça dans les stades.

L’interruption du match est-elle une vraie avancée ?

Les acteurs ont pris conscience que c’était à eux de saisir le problème à bras-le-corps. On a vu Ancelotti, l’entraîneur de Naples, dire que son équipe quitterait le terrain la prochaine fois que son défenseur Koulibaly serait insulté. Là, Prince Gouano et ses coéquipiers ont dit stop. Ça va marquer les esprits. Les spots publicitaires de la Ligue des champions contre le racisme ou les tee-shirts, c’est bien mais ça ne suffit pas.

Faut-il punir plus sévèrement les auteurs d’actes racistes dans les stades ? Il faut punir de stade à vie. Aujourd’hui, on a de la prison avec sursis, une amende et quelques années d’interdiction de stade. Et après ?

La personne revient. Il faut une tolérance zéro. Je sais que la métaphore peut choquer, mais c’est une forme de terrorisme psychologique. Quand les joueurs de couleur entendent « sale noir », « sale bougnoule », « sale négro « ou des cris de singe, ce sont comme des rafales de balles qui entrent dans leur chair.

Vous avez ressenti ça en 2008 ? J’étais devenu un cadavre après ces balles-là, je n’avais plus rien à donner sur le terrain en deuxième mi-temps. Et l’arbitre, monsieur Ledentu, pourtant garant de mon intégrité physique et morale, n’a pas su me protéger.

Au contraire, il m’a mis la dernière balle en sortant un carton jaune (NDLR : pour avoir voulu aller s’expliquer en tribune) qui n’a jamais symboliquement été enlevé. J’ai 40 ans, ça fait onze ans, et je me souviens surtout de ce carton…

Comprenez-vous la décision de Gouano de ne pas porter plainte ?

Oui. C’est un homme de paix. Il croit en l’être humain, aux valeurs du vivre ensemble. C’est un très beau message et je respecte sa philosophie. Mais il a surtout agi en arrêtant de jouer. On ne peut plus continuer comme ça. Il y a trente ans, quand j’étais gamin et que j’allais voir les matchs de football, je voyais des centaines de bananes jetées devant l’ancien gardien camerounais Joseph-Antoine Bell.
Aujourd’hui, il y a moins de bananes. On en jette une ou deux. Les joueurs les mangent parfois avec humour. (Résigné) Ça avance…

Comme vous à l’époque, Prince Gouano a reçu le soutien de la ministre des Sports… M. Laporte (NDLR : Bernard Laporte, alors secrétaire d’Etat chargé des Sports et aujourd’hui président de la Fédération française de rugby) était venu, on avait bu un bon verre de thé à la menthe avec mon épouse et mes enfants.

Je l’avais trouvé sincère mais avec le temps, je me suis rendu compte que c’était juste de la récupération, un coup de com’et qu’il n’y avait rien derrière. La démarche de la ministre part d’une bonne intention et c’est top. Il faut des actions au plus haut niveau.

La lutte contre le racisme est-elle votre priorité d’éducateur ?

À Nancy, on insiste beaucoup sur la sensibilisation avec des intervenants qui expliquent la tolérance, le partage et la cohésion entre les religions ou les nationalités. Nos joueurs savent qu’il faut respecter l’adversaire, quelle que soit sa couleur de peau ou sa corpulence. Il faut être vigilant.

On a souvent tendance à croire que le racisme est l’affaire des blancs. L’inverse existe et il faut le dénoncer. Le week-end, je vois aussi des équipes de bons Français « pure souche « se faire insulter dans certains quartiers…