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L’actuel entraîneur du WAC de Casablanca Sébastien Desabre a accordé une interview au Magazine français SoFoot dans laquelle il évoque plusieurs points.

Vous êtes arrivé au Maroc après le limogeage de l’entraîneur gallois John Toshack, consécutif à la débâcle en Égypte (4-0) en C1. Au match retour, pour votre premier match à la tête de l’équipe, vous avez mené contre le Zamalek 5-1, à un but de la qualification en finale. L’exploit était tout près.

J’ai visionné la demi-finale aller. Trois des quatre buts encaissés sont de graves erreurs individuelles. La prestation d’ensemble du Wydad n’était pas bonne, mais cet écart ne correspondait pas du tout à la différence de niveau entre les deux équipes. Nous l’avons prouvé au retour : à 2-0 au bout de quinze minutes, forcément on commence à y croire, la débauche d’énergie des joueurs a été énorme. Le club est passé à côté d’une belle occasion d’aller en finale, et avait les moyens de le faire, c’est dommage.

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Quels sont les objectifs que vous a fixés le président du Wydad Saïd Naciri ? Phase de poules (équivalent des quarts de finale) minimum pour la prochaine Ligue des champions, et remporter le championnat ?

Pour un grand club, les ambitions sont toujours les mêmes. Le Wydad veut tout gagner. On va commencer à rattraper les matchs en retard en championnat, avec l’objectif de reconquérir le titre au Maroc, puis la Ligue des champions d’Afrique, et convaincre les supporters. Le club a des désirs de reconquête conséquents, et ma mission est de structurer l’équipe première afin d’atteindre ces objectifs, avec une identité de jeu à définir.

Avant de signer au Maroc, vous avez effectué un séjour très court en Algérie, à la JS Saoura, que vous avez quitté deux mois et demi après avoir débarqué. Que s’est-il passé ? Avant de m’engager avec eux, j’étais extrêmement proche de devenir le sélectionneur de la Zambie. Ça a traîné en longueur et je suis allé en Algérie en ajoutant une clause à mon contrat qui me permettait de résilier dès que je voulais. Ça a recommencé à être chaud avec la Zambie, j’ai démissionné pour être libre de tout engagement. Et là, le président du Wydad m’a proposé de venir à Casablanca, pour construire un nouveau cycle. Le projet m’a séduit, et j’ai accepté. Le Maroc est le 6e pays africain dans lequel vous exercez depuis 2010. Comment tout cela a-t-il débuté, de Rocheville (en CFA 2) à l’ASEC Abidjan en Côte d’Ivoire ? Tout part d’un appel d’Hervé Renard, alors qu’il était en stage en Côte d’Ivoire avec la sélection ghanéenne. À cette époque-là, il était adjoint de Claude Le Roy. Il m’appelle, m’explique que le président de l’ASEC cherche un entraîneur étranger du même profil que lui : la trentaine, intéressé à l’idée de bosser en Afrique, dans un rôle de manager pour gérer l’équipe senior et la formation des jeunes. Il me demande si j’étais tenté, et je n’ai pas hésité. Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, les principaux clubs locaux, y compris ceux où vous avez coaché, forment des jeunes joueurs talentueux, qui partent vite en Europe ou au Maghreb après s’être montrès en C1 africaine. Face à des grandes puissances qui gardent leurs effectifs intacts au fil des années (clubs égyptiens, maghrébins, et le Tout Puissant Mazembe), n’est-ce pas compliqué d’espérer rivaliser sur le long terme ?

C’est impossible de retenir les joueurs ! À l’ASEC, la situation financière ne permet pas de miser sur la continuité et garder les jeunes. Dès qu’ils font des bons matchs en Ligue des champions, on leur fait des offres impossibles à refuser. La reconstruction est permanente. Les gros clubs gardent leurs internationaux parce qu’ils peuvent leur payer de très gros salaires. En revanche, le vivier est tellement important qu’il est possible d’être compétitif sur une courte période et faire un coup d’éclat en C1. C’est ce qu’on a fait avec le Cotonsport Garoua. On est arrivés en demi-finales, et quelques mois après, il ne restait que deux joueurs sur les 11. Tous les autres sont partis.

Avec le Cotonsport, vous êtes éliminés sur le fil en demi-finales de la Ligue des champions 2013 contre les Égyptiens d’Al Ahly (1-1 à l’aller, 1-1 au retour, 7-6 aux tirs au but). À quoi ça s’est joué ? Ce qui nous a manqué, ça rejoint un peu ce que nous venons d’évoquer sur les différents championnats. La continuité et la maturité. Les Égyptiens avaient joué et remporté des CAN, avaient énormément d’expérience, savaient jouer sous haute pression. Le tir au but décisif qui aurait pu nous faire gagner, c’est mon meilleur joueur, Yougouda, qui le tire. Tout meilleur buteur de la C1 qu’il était, il avait dix-neuf ans seulement. Ils ont mieux géré les pénos que nous. Le huis clos (le match retour s’est déroulé à huis clos pour des raisons de sécurité, ndlr), ça n’a pas été un problème. Au contraire, Al Ahly a fléchi physiquement et n’avait pas les supporters pour les booster. On a mieux fini qu’eux, mais il fallait tuer le match avant les tirs au but. Donc le manque de réalisme a pesé très lourd. Après le Cameroun, il y a eu l’Espérance de Tunis, et ça ne s’est pas très bien passé. Vous changez de poste cinq fois en neuf mois et après votre passage, la situation du club se détériore, tout le monde en prend pour son grade, y compris l’ex-entraîneur Ruud Krol et vous.

Qu’il y ait eu une communication pour me faire des reproches, c’est logique parce qu’il y a eu un litige et une décision de justice en ma faveur. Mais un exemple simple résume les problèmes de gestion au club : j’ai ramené Moussa Marega d’Amiens, gratuitement et avec un petit salaire. Il était beaucoup plus fort que tout le monde, mais certaines personnes ont tout fait pour qu’il parte. Un an plus tard, il est titulaire en L1 portugaise, et claque 16 buts en un an avec le Maritimo. Quand la prise de décision dans un club est partagée et que certains ont peur pour leur pouvoir, impossible de gérer les affaires normalement.

À Tunis, vous reprenez l’équipe après qu’elle a débuté la phase de poules de C1 par deux défaites. Vous prenez quatre points en trois matchs, mais on vous reproche quand même l’élimination. Cette nomination n’a-t-elle pas été un cadeau empoisonné ?

Je n’ai pas accepté qu’on m’attribue la responsabilité de l’élimination alors que je n’ai pas dirigé l’équipe sur la totalité de la phase de poules. On fait deux bons matchs contre le CS sfaxien de Philippe Troussier, on fait match nul à Sétif en Algérie, j’ai mal vécu les reproches qu’on m’a faits. Maintenant, je veux laisser tout ça derrière moi, je souhaite une bonne continuation à l’Espérance. surtout aux supporters, dont j’ai gardé un bon souvenir.

Vos trophées les plus récents, c’est en Angola (champion et Supercoupe). Comment jugez-vous le niveau de ce championnat moins médiatisé en Afrique par rapport aux autres pays où vous avez travaillé ?

Moins médiatisé dans le monde francophone, mais au Portugal, il est très suivi. De nombreux joueurs portugais vont jouer en Angola, les clubs ont des moyens pour acheter des joueurs étrangers d’un bon niveau, les infrastructures sont excellentes. Toutes les caractéristiques sont similaires au championnat sud-africain. Le paradoxe, c’est que malgré la bonne santé des clubs, la sélection angolaise est totalement en perdition. Il manque, je pense, une vraie volonté politique de développer le foot hors du cadre fermé des clubs. Mais avec la chute des cours du pétrole, ce n’est certainement pas la priorité du pays.

Vous avez coaché de nombreux joueurs talentueux en Afrique : Bakaré Koné à l’ASEC, les jeunes Camerounais Mbongo et Yougouda, le Ghanéen Harrison Afful et le Tunisien Oussama Darragi à l’Espérance. En matière de talent footballistique, quel joueur vous a le plus marqué ? Je n’accorde pas d’importance au talent si le joueur n’a pas un comportement professionnel et un état d’esprit irréprochable. Harrison Afful avait toutes ces caractéristiques. Une attitude exemplaire, la polyvalence, une belle capacité à exploiter sa vitesse, et l’intelligence de jeu. Quand j’ai assuré l’intérim quelques semaines à l’Espérance, je l’avais associé au milieu de terrain à l’ex-capitaine de l’équipe nationale tunisienne Houcine Ragued. C’est sûrement le duo plus complet que j’aie eu dans un effectif. Quel bilan tirez-vous de ces six premières années en Afrique ?

Ce continent m’a beaucoup appris sur mon métier. L’exigence à l’égard des entraîneurs étrangers est énorme – et c’est bien normal – la culture du résultat immédiat est difficile à appréhender mais j’ai tout donné partout où je suis passé et ce nouveau challenge avec le Wydad est une occasion pour moi de tout donner encore une fois pour que l’exigence soit satisfaite.