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Dans exactement quarante jours, le 68e Congrès de la FIFA désignera le pays hôte de la Coupe du monde 2026.

Impensable au départ, une victoire de la candidature marocaine face à celle de l’Amérique du Nord commence à inquiéter Donald Trump. Dans le coin rouge, il y a le Maroc, avec un indice de développement humain (IDH) classé 123e dans le monde par le programme des Nations unies pour le développement, dans son dernier rapport. Le Maroc, donc, qui a budgétisé son dossier à 15,8 milliards de dollars. Dans le coin bleu, il y a la triade États-Unis/Canada/Mexique, soit la première superpuissance mondiale alliée à une puissance économique de premier plan et un pays émergent. Si le duel entre les deux candidatures pour l’organisation de la Coupe du monde 2026 était un combat de boxe, il opposerait un poids plume à un lourd. « Au départ, le Maroc n’avait aucune chance. Il y a un écart de un à 200 entre la richesse des USA et celle du Maroc, estime Jean-Baptiste Guégan, géopoliticien du sport. Normalement, personne ne peut battre une candidature nord-américaine.   »Normalement. Après s’être fait souffler l’édition 2022 par le Qatar, les États-Unis ont décidé de s’associer avec leurs voisins dans l’idée de diviser les coûts d’une édition à 48 équipes, mais aussi d’afficher une image unifiée du continent américain. Une candidature partagée sur trois pays ? Pas vraiment : parmi les 23 villes retenues dans le dossier, 17 sont aux États-Unis et font des USA le seul véritable pays hôte potentiel. Le président Trump a beau ne s’être jamais intéressé au soccer, il sait qu’il s’agit du premier sport planétaire et que l’organisation du deuxième plus grand évènement sportif (derrière les JO d’été) participerait à « Make America Great Again  ». L’alliance entre les États-Unis et le Mexique barrée par un murSauf que la candidature américaine a ses failles. Contrairement au Maroc, les États-Unis ne sont pas un vrai pays de foot. Si les stades marocains entrent en ébullition chaque week-end, la MLS est en plein développement sans pour autant parvenir à remplir ses stades (les affluences moyennes plafonnent à environ 20 000 spectateurs pour la plupart des franchises, bien en deçà de la NFL). Ensuite se pose la question des relations diplomatiques entre les États-Unis et le Mexique, ainsi que l’accueil des supporters. Comment construire une candidature cohérente si Trump s’obstine à prolonger le mur qui sépare les deux territoires ? Comment un pays qui se démène pour boucher ses frontières va-t-il gérer le flux de supporters, si certains latino-américains, par exemple, souhaitent profiter de l’évènement pour immigrer illégalement aux États-Unis ? Les supporters argentins, brésiliens ou colombiens pourront-ils obtenir facilement un visa temporaire ? Sans compter les distances colossales à parcourir, entre Los Angeles et New York, Guadalajara et Edmonton, Seattle et Miami. En face, le Maroc bénéficie du retour de ses précédentes tentatives. « La cinquième candidature du Maroc est la plus sérieuse. C’est l’aboutissement des trois dernières (1998, 2006 et 2010, N. D. L. R. ), ils ont compris ce qu’il fallait faire en matière de logistique, de communication à l’internationale et de lobbying  », explique Jean-Baptiste Guégan, auteur d’un livre à paraître sur les enjeux de la Coupe du monde en Russie. Ainsi, des icônes du football africain comme Didier Drogba et Samuel Eto’o sont les ambassadeurs de la candidature marocaine. C’est aussi le cas de la légende du football algérien Lakhdar Belloumi. « J’ai accepté tout de suite, le Maroc, c’est un pays frère  », lâche le Ballon d’or africain 1981, qui a passé quasiment toute sa carrière en Algérie. « Et si ça avait été un autre pays du continent comme le Sénégal ou le Nigeria ? Bien sûr que j’aurais aussi accepté. Je suis africain avant tout  », poursuit Belloumi, qui a un argument pour séduire les fédérations européennes de choisir le bulletin Maroc : « Géographiquement, c’est idéal pour eux, le Maroc n’est qu’à trois heures de vol maximum de l’Europe.   »La France soutient le MarocNoël Le Graët a annoncé publiquement son soutien au Royaume. « Je ne me vois pas ne pas soutenir un pays proche de nous. L’Afrique n’a eu qu’une Coupe du monde dans son histoire, ce n’est pas beaucoup  », expliquait début avril le président de la FFF dans les colonnes de L’Équipe. Pour remporter le suffrage, le Maroc a besoin de la majorité des voix des 207 associations (211 – les quatre candidats). Sachant que la CAF a demandé l’unité des 53 fédérations africaines et que l’ensemble du continent américain est derrière les États-Unis, c’est l’Europe, l’Asie et l’Océanie qui vont faire la décision. « Et, aujourd’hui, le momentum est en faveur du Maroc  », annonce Jean-Baptiste Guégan.     Preuve de cette incertitude, le tweet lâché par Donald Trump la semaine dernière : « Les États-Unis ont mis au point un projet FORT avec le Canada et le Mexique pour la Coupe du monde 2026. Cela serait dommage que les pays que nous soutenons en toutes circonstances fassent campagne contre la candidature américaine. Pourquoi soutiendrions-nous ces pays quand ils ne nous soutiennent pas (y compris à l’ONU) ?  »Un coup de pression en bonne et due forme. L’équité et la transparenceMoins de 24 heures avant le dépôt de candidature, le 26 mars dernier, la FIFA a décidé subitement de modifier les critères d’évaluation de candidature : l’obligation pour une ville hôte de compter au moins 250 000 habitants, l’agrandissement des « fans zones  », etc. Le président de la Fédération marocaine a vigoureusement réagi dans une lettre adressée à Gianni Infantino, en présentant les « inquiétudes de la FRMF concernant l’équité et la transparence de la procédure de candidature  ». Pourquoi réécrire les règles du jeu la veille du dépôt de candidature ? Peut-être parce que la FIFA a tout intérêt à ce que sa principale source de revenus – la Coupe du monde – se déroule en Amérique du Nord, où ses sponsors ont davantage d’intérêts à s’implanter. Peut-être, aussi, car les médias US – Fox, NBC. – ont prévu de verser 300 millions de dollars à la FIFA en guise de « bonus  »en cas de victoire, comme l’a révélé le Daily Mail. Peut-être, enfin, parce que certains ténors de la FIFA comme Gianni Infantino risquent de tomber si les États-Unis perdent une nouvelle fois. Pour une raison simple, d’après le géopoliticien Jean-Baptiste Guégan : « La dernière fois, ça a coûté sa tête à Sepp Blatter.   »