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Comme plusieurs centaines de millions de téléspectateurs à travers la planéte, les Marocains regardent la Coupe du Monde de football de 2014 certains à travers leurs écrans plasma, leurs tablettes ou leurs smartphones, d’autres dans les cafés populaires ou les lieux publics modestement équipés de vieux téléviseurs à tubes cathodiques.

Cette diversité sociale constitue, au Maroc comme ailleurs, la richesse du football et le caractére inestimable de cette compétition planétaire. Langage universel accessible aux peuples de toutes les nations au-delà des frontiéres et par-delà les différences de culture, de religion, d’origine ethnique ou de fortune, le football est un sport de masse qui déclenche des passions partagées et rassemble des identités plurielles. En dépit de la liesse populaire pour cette passion sportive, la plupart des Marocains auront un arriére-go&ucirct amer. Deux origines à ce sentiment d’amertume : l’incapacité de l’équipe nationale de se qualifier au Mondial 2014, ni aux trois précédentes phases finales, et l’échec du Maroc dans ses quatre candidatures à l’organisation de la Coupe du Monde de 1994, 1998, 2006 et 2010.

Mondial 2026 au Maroc? oui mais .

La probable candidature du Maroc à l’organisation du Mondial 2026 doit reposer sur les enseignements des expériences passées, pour éviter à notre pays une éniéme déconvenue et à nos concitoyens des déceptions à répétition. Au niveau sportif, l’équipe nationale ne sera compétitive que si le championnat national l’est. Elle ne pourra retrouver l’élite africaine et mondiale que si les clubs marocains en font partie eux-mêmes. L’expérience a démontré que la politique sportive consistant à recruter un sélectionneur étranger au prix de 2,5 millions d’euros par an et à b&acirctir l’équipe exclusivement de professionnels des championnats européens, ne permet pas de créer un groupe cohérent, homogéne et performant. L’expérience a démontré aussi qu’un club marocain bien géré, pouvait se hisser au niveau des meilleures équipes mondiales. En témoigne le cas du Raja de Casablanca qui accéda en décembre 2013 avec brio à la finale de la Coupe du monde des clubs champions.

Le temps de la nostalgie sportive qui berce les Marocains dans la mémoire des Ben Barek, Faras, Zaki, Dolmy, Timoumi ou Bouderbala, doit être révolu. Le temps de la paresse intellectuelle doit cesser, pour ouvrir une nouvelle période de construction des fondations d’un football rénové. Les solutions sont largement connues et nul autre salut pour notre football en dehors de leur stricte application : modernisation de la gouvernance des clubs et de la fédération et respect des régles de transparence et d’éthique, formation des cadres sportifs techniques par des formateurs étrangers aux compétences reconnues, augmentation des financements publics (Etat et collectivités locales) et mise en place d’incitations fiscales et financiéres au sponsoring privé, mise à niveau et développement des infrastructures sportives dans l’ensemble des territoires, renforcement de la professionnalisation de la pratique du football de haut niveau, organisation d’un systéme de sport/études et de reconversion professionnelle des athlétes, promotion de la culture sportive dans la société, à l’école et au sein des familles, création d’un écosystéme autour des stades, lutte sans merci contre les incivilités et élargissement du marché des spectateurs et téléspectateurs pour accroître les recettes de billetterie et de droits de retransmission. Depuis la candidature malheureuse du royaume en 2004 pour l’organisation du Mondial 2010, le Maroc a beaucoup changé gr&acircce aux avancées notables réalisées dans plusieurs domaines : une crédibilité accrue incarnée par les responsables qui pilotent cette discipline sportive, plus de maquettes en carton-p&acircte ou en image 3D, des projets infrastructurels qui voient le jour et qui sont menés à leur terme, des plans de financement bouclés et contractualisés, un patrimoine sportif plus consistant et des stades plus nombreux et modernisés, un réseau autoroutier plus étendu et un maillage régional plus large, un systéme de transport aérien et ferroviaire plus performant, un important parc hotelier aux normes internationales etc. Il ne fait aucun doute que nos faiblesses d’hier sont devenues nos forces d’aujourd’hui.

Un rêve qui peut avoir des lourdes conséquences .

Mais nous ne devons pas nous laisser éblouir par la perspective enivrante d’organiser le Mondial 2026, sans regarder à deux fois les conditions de la FIFA, dont certaines peuvent se révéler être parfaitement mortiféres pour le pays organisateur. En fixant un cahier des charges extrêmement contraignant, en s’arrogeant des redevances exorbitantes sur les droits de retransmission et sur les contributions de sponsoring, en exigeant des exonérations fiscales pour les grandes firmes partenaires et des lois d’exception, la FIFA peut conduire le pays organisateur à une déroute financiére et à une instabilité politique. Selon l’ONG suisse, Solidar, le Mondial 2010 auraient rapporté 3 milliards de dollars de bénéfices à la FIFA, mais causé 3 milliards de pertes à l’Etat sud-africain. Avec une enveloppe d’investissements de 14,5 milliards de dollars financés à 99% par les pouvoirs publics brésiliens, en proie à des troubles sociaux sans précédent depuis l’été 2013, le Mondial 2014 sera le plus onéreux de tous les temps, mais restera moins budgétivore que le Mondial 2018 en Russie (20 Md $) ou 2022 au Qatar (200 Md $). Notre pays doit comprendre que le football n’est pas seulement un phénoméne sportif ou culturel. C’est à la fois un formidable outil de cohésion nationale, un enjeu économique et financier majeur ainsi qu’un instrument précieux de puissance diplomatique. Le Maroc de demain sera en partie fa&ccedilonné par la gouvernance de cette discipline sportive.