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La vie d’un homme est inévitablement jalonnée de drames dont il souhaite à jamais laver sa mémoire. Le procédé le plus efficace pour vous convaincre de la très haute estime en laquelle Mohamed Timoumi est tenu par l’ensemble de ses compatriotes consiste malheureusement à évoquer, une fois encore, la gravissime blessure qui vint, le 9 novembre 1985, interrompre la carriére de celui qui quelques semaines avant de remporter le Ballon d’Or africain.

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Par cette sinistre journée d’automne, les Forces Armées Royales de Rabat en décousaient avec le Zamalek du Caire pour le compte des demi&middot finales de la Coupe d’Afrique des champions. L’heure de jeu atteinte, Timoumi vola en éclats sous les coups de hachoir perfides de Gamal, son cerbére égyptien. Victime d’une rupture ligamentaire à la cheville droite (lui le gaucher) et d’une fissure du péroné, le maître à penser des FAR et du onze marocain quittait l’aréne étendue sur une civiére. Moche! Il pénétrait sans transition dans un tunnel dont on ne le vit émerger plus de 6 mois aprés, lors d’un match amical contre les Irlandais du Nord. Ayant eu vent de l’effroyable catastrophe, sa majesté Hassan II, fervent amateur de football, enjoignit le colonel Driss Moulay, un des scalpels les plus fiables du royaume, de diriger l’intervention chirurgicale. Rien, aux yeux du roi, n’était trop beau pour rendre valide le héros national. Si l’anecdote qui précéde n’à point suffi à vous convaincre, nous allons maintenant ouvrir le chapitre financier. Et franchement, si vous ne tombez pas à la renverse, c’est que vous êtes très forts! Avant toute chose, il vous faut fournir un léger effort d’imagination. Représentez-vous donc Michel Platini jouant en France pour un malheureux salaire. Les premiers éclats de rire parviennent à nos oreilles. Belle ineptie, on vous le concéde. Le talent, croyez-vous, ne peut être rémunéré à ce tarif-là. Erreur ! Il faut savoir que Timoumi, jeune homme de vingt-six ans, au pied gauche surnaturel et aux inspirations géniales, est issu d’un milieu déshérité.

Mohamed n’était qu’un adolescent lorsque la mort vint frapper son pére. A la maison, il restait la mére, trois fréres et deux s&oeligurs. Jamais il ne les a laissés tomber. Aujourd’hui, Mohamed Timoumi porte le célébre maillot rouge des FAR le club des militaires. Mais lui n’est pas militaire. Le football pro n’ayant pas encore droit de cité au Maroc, Timoumi est employé au secrétariat du palais royal. Un boulot bidon bien entendu.  » Je n’ai jamais vu le secrétariat », avoue-t-il. Et devinez un peu combien le Platini maghrébin per&ccediloit chaque mois. Environ 3 600 dirhams, primes comprises. Ce qui équivaut à 360 euros en France ! Deux fois le salaire moyen au Maroc. Une misére! Et n’allez pas croire à une galéjade. Une chance, Mohamed est célibataire.  » Tout ce que je gagne, c’est pour ma famille », dit-il. Comme si son sacrifice était quelque chose de banal. Il n’empêche que la star marocaine a conscience d’être exploitée. Ou plus exactement sous-payée.  » Je suis fier de défendre les couleurs du pays. Mais j’aimerais en tirer aujourd’hui une contrepartie financiére. Je n’ai pas, jusqu’ici, gagné assez d’argent gr&acircce au football.  » Chaque nuit, le Phare de Rabat fait le même rêve. Il se voit bouclant ses valises pour partir à l’étranger. La gloire et l’argent en sus. En France, en Espagne ou ailleurs. Hélas! Le rêve est invariablement interrompu au moment crucial. Interrompu et puis brisé. Des propositions, Timoumi en a déjà re&ccedilu des tas l’an passé. De Laval, Brest, Malaga, Séville ou Saragosse.  » Mais, constate-t-il, les FAR et l’équipe nationale avaient trop besoin de moi pour me laisser partir.  » Unique et irrempla&ccedilable ! Ce sont assurément les deux qualificatifs qui conviennent le mieux à Timoumi. Comme ce dernier déplorait son incapacité à s’expatrier, l’entraîneur du Maroc, qui se trouve être aussi celui de Timoumi aux FAR, le Brésilien José Faria (ancien joueur de Fluminense et sélectionneur du Qatar jusqu’en 1983) intervint pour tenir ce discours dithyrambique.  » Si Timoumi quitte le Maroc, ce doit être pour rejoindre un grand club. Bordeaux ou Paris en France. Ou, mieux, le Real en Espagne. Je vous laisse imaginer les dég&acircts qu’il pourrait provoquer associé à un joueur comme Butragueno ». Malgré sa captivité, Mohamed Timoumi ne désespére pas de réaliser dés l’été 86 ses desseins.

Avec un Mondial 86 de haute volée, Timoumi s’engagera avec le Real Murcie,juste aprés l’été mexicain. Il y restera une saison avant de s’envoler en Belgique KSC Lokeren. Ces deux clubs seront les seuls clubs européens qui accueilleront le talent rare de Mohamed Timoumi. Il finira sa carriére en 1995, dans son club de c&oeligur, au FAR de Rabat. Belle carriére pour l’un des meilleurs talents que le Maroc ait produit.