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Tout son proche entourage le confirme : Fouzi Lekjâa est un sacré personnage ! Mais encore faut-il le rencontrer pour prendre la pleine mesure de son côté «enfant terrible».

Ce dont nous avons pu nous rendre compte, lorsqu’il nous a reçus, après moult sollicitations, dans son bureau au ministère des finances. C’est lui-même qui nous a servi le café, avant de se soumettre à deux heures d’entretien, durant lesquelles son téléphone n’a pas arrêté de sonner. Au niveau des résultats, les astres semblent bien alignés pour le football marocain ces derniers temps.

Comment faire pour inscrire ces performances dans la durée ?

Avant de répondre à cette question, j’aimerais d’abord revenir sur les différentes phases par lesquelles le football national est passé. D’une configuration amateurs, il a migré vers un schéma de sponsoring où les clubs ont été confiés à des sociétés, de grands groupes ou des banques avant d’adopter par la suite le système actuel basé sur les adhérents. Ces trois phases, valables chacune dans son contexte, ont été toutes caractérisées par le manque de régularité dans les résultats.

Quelles ont été leurs failles ?

Au cours de ces années, l’on s’est peu intéressé aux infrastructures. Certes, on a érigé quelques grands stades aux normes de la FIFA, mais au niveau de la pratique footballistique, notamment dans les petits patelins de 10000 à 20000 habitants, rien n’a été fait. Je vous donne quelques chiffres sur la structure footballistique. Au niveau des championnats, on compte 130 clubs dont une centaine amateurs. Cela équivaut à 4000 joueurs séniors. Chaque équipe doit disposer de 4 catégories de jeunes (minimes, cadets, juniors et espoirs) soit des dizaines de milliers de joueurs. Cela sans compter le football en salle et les ligues féminines qui suivent la même logique. Toutes catégories confondues, ce sont plus de 5000 matches qui se jouent chaque week-end au Maroc, nécessitant des infrastructures aux normes, des équipes d’encadrement, des milliers d’arbitres…

Par où commencer pour y remédier ?

Nous avons commencé notre programme infrastructures en 2015 pour un budget de 1,5 milliard de DH financé par les contributions du ministère de la jeunesse et du sport et des collectivités territoriales et supervisé par la Direction des équipements… Au lieu de gérer les budgets séparément, nous avons tout mis dans un même compte et nous avons fixé les priorités.

Plus de 100 terrains de football ont été réaménagés dans toutes les régions du Maroc. Je cite à titre d’exemple Sidi Slimane, Assa, Elgara, Azilal, Laâyoune, Khouribga… Et le travail continue. D’ailleurs, ce modèle très efficient s’exporte aujourd’hui en Afrique. Autre maillon faible auquel nous nous sommes attaqué: la formation des jeunes qui était dispensée à 99% par des personnes non qualifiées. Ce n’est pas le fort du football national…

Entre la détection du talent et l’âge d’intégrer un club sénior, environ 10 ans de passage à vide peuvent s’écouler. Pire, durant cette phase, il y a souvent une destruction du potentiel brut que l’enfant a exprimé à l’âge de 10 ans. Ce n’est qu’une fois en classe sénior qu’on s’active au niveau des équipes élites pour ramener le meilleur entraîneur, le meilleur préparateur physique et créer de bonnes conditions de travail. C’est comme si vous preniez un brillant élève qui vient de sortir du primaire, que rien n’est fait pour le former et l’encadrer comme il se doit au niveau du collège et du lycée et qu’une fois à l’université vous engagez les meilleurs professeurs de Harvard ou de Cambridge. Cela ne servira à rien ! Aussi, il ne suffit pas de réunir une centaine d’enfants dans une école, de leur donner des t-shirt du club, de faire des petites animations et prétendre former.

La formation, c’est un cycle, des formateurs, une préparation physique, une croissance morphologique, mentale, musculaire, technique, tactique… Tout cela, notre système footballistique le zappe. Au bout du compte, seuls certains joueurs arrivent à échapper à cette spirale de destruction des talents et réalisent des exploits exceptionnels.

Peut-on régler définitivement ce problème ?

Je donnerai l’exemple du système allemand qui travaille correctement au niveau de la formation. Il ne sort jamais un Lionel Messi, mais forme une équipe nationale renouvelée qui joue toujours la demi ou la finale d’une Coupe du monde depuis 1934. Voilà la référence idéale pour nous. Sur cette base, je me suis réuni avec la direction technique nationale (DNT) et je lui ai dit que je voulais un système similaire, et, si c’est possible, listez-moi vos besoins et mettons-nous au boulot.

La DTN a été chargée de préparer un programme de formation unique et homogène afin de créer un style de football marocain, de lui donner une identité. Il y a bien une école allemande et italienne, pourquoi ne pas avoir un football marocain en dispensant la même formation au niveau national ?

Un partenariat a été conclu avec l’OFPPT et l’Institut de Limoges pour la formation dans une dizaine de métiers : chargé du matériel, directeur administratif et financier, directeur sportif, manager…Nous en sommes à notre deuxième promotion.

Qu’avez-vous fait sur le plan de la gouvernance ?

Parmi les actions menées, la mise en place et le renforcement des bonnes pratiques, la création d’une dynamique continue, la délégation et la fédération des équipes et membres de la FRMF autour de deux idées : la réussite comme défi et la prise de risque comme moyen pour y parvenir. Nous travaillons également sur une charte d’éthique et de bonne gouvernance au sein de la fédération.