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Transféré en fin de mercato d’Angers à Wolverhampton, le défenseur et milieu défensif Marocain Romain Saïss n’a pas tardé à prendre ses marques en Angleterre. Calmement, il répond à ses détracteurs et explique son choix de rejoindre un club de deuxième division Anglaise dans une interview accordée à France Football.

«Romain, vous aussi vous avez été victime du phénomène Will Grigg (mercredi soir, Wolverhampton a perdu à Wigan, 2-1, l’attaquant nord-irlandais inscrivant le but de la victoire, NDLR)… C’est vrai, j’ai suivi ça pendant l’Euro (rires). Quand il est entré en jeu, je n’ai pas fait le rapprochement. Je ne me souvenais plus qu’il jouait à Wigan. Et puis j’ai entendu la chanson… Malgré cette défaite, vous semblez vous être rapidement adapté à votre nouvel environnement. Vous avez même été élu dans l’équipe type de la journée de Championship après votre premier match contre Newcastle le 17 septembre. Même si je ne fais pas forcément attention à ce genre de choses, ça fait toujours plaisir. Le plus dur est maintenant d’enchaîner et s’habituer au rythme car les matches sont très intenses. Comme je n’avais pas joué depuis quasiment deux mois, c’est encore assez compliqué physiquement, mais la condition revient petit à petit. Votre départ en 2e division anglaise a suscité quelques critiques. Les comprenez-vous? Je n’y fais pas attention. Je sais très bien que ces gens-là disent que je suis parti pour l’argent. Déjà, je n’ai jamais été contre l’idée de faire une saison supplémentaire à Angers. Et à partir du moment où j’ai donné mon accord pour venir à Wolverhampton, on n’avait pas encore parlé de l’aspect financier. Après, on ne va pas se mentir, on est mieux payé en Angleterre qu’en France et ça entre en ligne de compte. Mais il y a d’autres raisons pour expliquer mon départ. Lesquelles? Je débarque dans un club qui a été racheté par des investisseurs chinois qui ambitionnent de monter dès cette saison et ils y mettent les moyens. Pas seulement au niveau des joueurs, dans l’encadrement aussi. Ils ont par exemple débauché le directeur technique de l’AS Monaco (Andrea Butti, NDLR). Pour que quelqu’un comme lui vienne ici, c’est qu’il doit y avoir un projet bien ficelé car il aurait pu rester à Monaco où il y autant voire plus d’argent. Ce projet, c’est aussi ce qui m’a décidé, comme ça avait été le cas à Angers l’an dernier. Jorge Mendes (l’agent de Ronaldo) a été impliqué dans la vente du club et dans le recrutement. Je l’ai rencontré au moment de signer. J’ai senti chez les dirigeants et l’entraîneur (Walter Zenga) une réelle envie de me recruter. Ces critiques vous ont-elles touché? Malheureusement, il y a toujours des gens pour critiquer. J’ai fait du très bon travail à Angers, j’ai passé une très belle année là-bas, je n’ai aucun regret. Ces personnes-là, ce sont les mêmes qui me jetaient des fleurs l’an dernier. Moi, je sais pourquoi je suis ici. Si j’avais voulu vraiment gagner beaucoup d’argent, je serais parti dans le Golfe ou en Chine. Vous avez donc eu des sollicitations de clubs exotiques? Oui, il y a eu certaines approches, avec des possibilités de gros salaires à la clé. Si je le souhaitais, je pouvais partir tranquillement au soleil avec ma famille, prendre mon argent. Mais ce n’était pas l’objectif. Je suis encore jeune et j’ai des choses à faire au haut niveau. Sinon, y-a-t-il eu des sollicitations un peu plus «sérieuses»? Quelques approches mais rien de concret. La rumeur vous envoyant au Barça était donc totalement farfelue? (Catégorique) Complètement. Aucune personne du FC Barcelone n’est entrée en contact avec moi. Ils sont peut-être venus me voir jouer, mais je n’ai jamais parlé avec eux. Le problème, c’est qu’on entend beaucoup:«Saïss, il est courtisé par le Barça et il finit à Wolverhampton». Mais je le dis et le répète, il n’y a rien eu. Est-ce déstabilisant ce genre de rumeur? Non, ça me fait plutôt sourire. On m’en a beaucoup parlé en France ou au Maroc. C’est flatteur, mais je ne me suis pas pris pour un autre, j’ai continué à travailler. Ça ne m’a pas vraiment perturbé, et ça ne me perturbera pas si cela doit ressortir. Je crois que cela a plus perturbé les gens qui en parlaient, en fait. Entre possible départ et blessure, votre été a été agité. Comment avez-vous géré cela? Là aussi, j’entendais que c’était une blessure diplomatique. Ces personnes-là, je les invite à aller voir le médecin du SCO pour qu’il leur montre les examens que j’ai faits. Ils verront si j’ai simulé. C’est sûr qu’entre ça et tout ce qui se disait sur mon avenir, la préparation n’a pas été évidente. Mais j’ai réussi à mettre tout ça de côté. Je souhaitais revenir le plus vite possible, pour rester ou pour partir. Vous semblez blessé par ces critiques… Les gens pensent ce qu’ils veulent. L’essentiel, c’est que les dirigeants d’Angers et moi, on savait que j’étais blessé et que je ne pouvais rien faire. J’ai forcé pendant une partie de la préparation et à un moment donné, j’ai dis stop car ma santé en dépendait. Je n’ai jamais triché et je pars la tête haute. En plus de rejoindre un nouveau club, vous commencez une nouvelle vie en Angleterre. Comment se passe l’adaptation? On essaye de s’habituer à la conduite à gauche (rires). C’est pas mal de changements d’un coup: la conduite, la langue, la monnaie, mais on s’y fait vite… A part la météo! J’espère qu’on aura un peu plus de soleil. J’ai joué au Havre, donc je suis habitué à la pluie, mais à Angers, j’étais dans une belle région où il ne faisait pas trop froid, et je m’y étais habitué. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué depuis vos débuts en Championship? Sans hésiter, l’intensité! Le pressing est incessant de la première à la dernière minute. Au point de jouer des tours aux équipes car elles laissent beaucoup d’espaces. C’est la principale différence avec la L1 où les équipes sont plus réfléchies et tactiques. Mais cette intensité rend le jeu plus spectaculaire. L’euphorie est la même sur le terrain et dans les tribunes. Ça ne s’arrête jamais. C’est facile de s’acclimater à ce style de jeu? Déjà on doit s’adapter aux entraînements car l’intensité est la même. On n’a pas le choix de se mettre dans le rythme sinon, on se fait manger. Je n’ai pas eu de mal sur mes premiers matches, mais à la longue, ça peut devenir compliqué, surtout pour moi qui manque encore un peu de rythme. Avec 24 équipes dans ce Championnat, il n’y a pas trop de temps pour le repos. On n’a pas le temps de cogiter longtemps après un match. On joue quasiment tous les trois jours. C’est pour cela aussi qu’il faut être prêt physiquement. Les méthodes de travail sont différentes par rapport à la France. Tous les «à-côtés», les soins, la récupération, la nourriture, sont encore plus importants que chez nous. Sans ça, on peut vite être à la ramasse. Le niveau de jeu est-il comparable à la Ligue 1? Ça va plus vite. Il y a tellement d’espaces qui s’ouvrent, de folie, qu’on est quasiment certains de marquer à chaque match. L’équipe qui montera sera la plus costaude défensivement. Où situeriez-vous Wolverhampton dans le classement de L1? Quand on voit les joueurs qui jouent ici… On est plusieurs à venir de France (Oniangue, Cavaleiro, Helder Costa), un vient de l’Atlético Madrid (Silvio), un autre de Manchester United (Borthwick-Jackson). Les autres ont pour la plupart connu la Premier League. C’est le cas pour beaucoup d’équipes de Championship, qui n’ont rien à envier à celles de Ligue 1. Les moyens sont plus élevés et les conditions de travail n’ont rien à voir. Pourtant, à Angers, on avait un centre d’entraînement magnifique, mais là, c’est encore au dessus. Il est immense. Les équipements, qu’ils soient médicaux ou sportif, on ne manque de rien. Même au niveau du personnel administratif, c’est dingue. Il y a au moins 200 salariés au club qui s’occupent de tout. Il y a tout pour réussir. La différence est également visible au niveau de l’engouement? En France, il y a des supporters incroyables comme à Saint-Etienne ou à Marseille, mais certains stades sont également quasiment vides à chaque match. Ce n’est pas très attrayant. Ici, on ne va pas dire que tous les stades sont pleins, mais presque. Nous, on a un stade de plus de 30 000 places (Molineux Stadium, 29 400 places exactement), et on est au moins 25 000 à chaque fois. A Newcastle, on a joué devant 52 000 spectateurs. En deuxième division! C’est des trucs que je n’avais pas connu avant. Cette ferveur vous a-t-elle surpris? Certains de mes amis qui jouent ou ont joué en Angleterre m’avaient prévenu. Je n’avais eu que des retours positifs à ce sujet. Même à la télé, l’ambiance donne envie. Ça confirme toutes les bonnes choses que je savais sur les supporters anglais. Sur le terrain, c’est une source de motivation supplémentaire. Chez nous, ce Championnat est peu médiatisé. Qu’en est-il en Angleterre? A la télé, ils parlent même des résultats des championnats de 4e division, qui sont professionnels. Je ne pense pas qu’en France on va donner les résultats du CFA à la télé. Il y a vraiment un engouement exceptionnel.  »