Dans l’ensemble, le bilan d’Hervé Renard à la tête de l’équipe nationale marocaine demeure positif. Par ailleurs, cinq erreurs fatales ont coûté au Maroc le fiasco de la CAN 2019. Décryptage.
Après presque trois ans et demi passés à la tête de la sélection nationale, il serait injuste de résumer le bilan d’Hervé Renard en se fiant seulement à la débâcle des Lions de l’Atlas en Égypte, en raison du grand travail effectué par le coach au sein de l’équipe nationale sur les volets sportifs et humains, mais également pour les chiffres qui restent en faveur du sélectionneur national: 24 victoires/9 matchs nuls/11 matchs perdus, 59 buts marqués, 24 buts encaissés.
Toutefois, cette gestion a été entachée par certains choix qui ne faisaient pas l’unanimité et des questions qui laissaient planer le doute sur l’avenir du groupe.
Limites tactiques
Le schéma tactique de cette équipe installé par Renard depuis son arrivée réussit à chaque fois que nous jouons devant une équipe qui s’active devant et qui ose faire le jeu, mais échoue ou s’impose dans la difficulté contre des équipes qui joue avec dix joueurs en défense. Le coach n’a à aucun moment tenté ou inventé une solution B pour sa formation. Renard a su liquéfier le ciment de cette équipe autour d’un pressing haut, un engagement physique ordonné aux défenseurs comme aux attaquants, mais a manqué de créativité tactique. L’incapacité de trouver des issues pendant les matchs d’Iran, Comores, Cap-Vert, Afrique du Sud et le Bénin, prouve les limites de l’homme dans ce sens.
Faux Leadership
Medhi Benatia était-il vraiment capitaine de la sélection ? Tout porte à croire que non. Les Lions de l’Atlas avaient à vrai dire deux capitaines. Un vrai leader dans le vestiaire et sur le terrain qu’est Mbarek Boussoufa, présent chaque match, qu’il soit officiel ou amical, en communication permanente avec tous les joueurs grâce à sa capacité de parler anglais, marocain, français et néerlandais, mais également par son envie de mener le navire. De l’autre côté, un capitaine officiel, se contentant presque de mettre le brassard, avec des qualités techniques et une expérience incontestables certes, mais en manque de charisme et de rage essentiels sur le terrain, et de sagesse et de calme dans ses sorties médiatiques, mais surtout instables dans ses décisions, en témoignent ses retraites internationales récurrentes. Le constat ne minimise en aucun cas le grand apport de l’ancien défenseur de la Juventus en équipe nationale, Medhi Benatia était et restera un très grand joueur et l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire du football marocain.
Le cas Ziyech
À vouloir bien faire, on finit toujours par faire mal. Après la fin de la guerre froide entre Hakim Ziyech et Hervé Renard et la réconciliation organisée par Fouzi Lekjaâ aux Pays-Bas, le meneur de l’Ajax est revenu en force en équipe nationale, s’imposant ainsi comme le patron du milieu de terrain des Lions et contribuant à la qualification du Maroc au Mondial 2018. Jusqu’ici tout va bien. Les choses devenaient plutôt compliquées lorsque le joueur n’arrivait plus à trouver les solutions et créer les occasions de buts, comme il le faisait parfaitement à l’Ajax ou encore avec les Lions. Ziyech était très au-dessous de son niveau durant le premier tour de la CAN 2019, la décision la plus correcte aurait été de le mettre au banc. Renard a préféré compter aveuglément sur le joueur, dont le mental se portait très mal et le physique épuisé en raison du climat difficile au Caire, au moment du déroulement des matchs.
Sacraliser (un peu trop) le groupe
Hervé Renard justifiait certains choix de sélection par le fait qu’il fait entièrement confiance à son groupe, au point d’écarter certains noms qui méritaient de figurer dans la liste, dont quelques noms botolistes, comme Walid Karti ou encore Mohcine Yajour qui aurait pu apporter beaucoup de choses à l’attaque des Lions de l’Atlas. Insister sur Nabil Dirar dans le couloir droit, alors qu’il avait perdu beaucoup de ses moyens, convoquer Khalid Boutaib, en manque de compétition et finalement blessé tout au long de la CAN, et remplir le banc de touche par des joueurs non utilisés en fin de compte était une erreur fatale du coach. Une sélection doit changer de peau de manière permanente. Oui pour maintenir ses bases et garder ses cadres, mais pas au détriment de la compétitivité et la multiplicité des choix. Sur ce point, Renard a tellement verrouillé qu’il est devenu parfois inaccessible aux nouveaux arrivants. Le cas Adil Taârabt en est le parfait exemple, qui avait tapé dans l’œil d’Hervé Renard après sa renaissance à Genoa puis à Benfica, mais en raison des réserves de trois cadres de l’équipe nationale il n’a finalement pas été convoqué.
Tension gratuite
Dans ses déclarations et ses sorties médiatiques, Hervé Renard haussait le temps d’une manière abusive contre les critiques des supporters et des journalistes, installant un climat tendu entre l’équipe nationale et ceux qui s’intéressent à elle. Déclarer après le match de la Côte d’Ivoire, «Merci à ceux qui nous tapent dessus sans arrêt, vous nous donnez de la motivation», instaure une sorte d’esprit revanchard chez les joueurs face au public et une envie de gagner pour faire taire les supporters et les médias au lieu de de se concentrer l’enjeu sportif et le plaisir de jouer, beaucoup plus importants que les règlements de compte avec des parties censées être des alliés dans l’aventure de la CAN. Alors qu’il devait être la voix de la raison, Hervé Renard encourageait inconsciemment ses joueurs, notamment le capitaine de l’équipe, à adopter des attitudes immatures et non professionnelles comme le fait de boycotter la presse nationale qui s’est déplacée au Caire pour couvrir la compétition. Le tout devant un silence incompréhensible de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), qui devra bien évidemment rendre les comptes et détailler les explications et les raisons de cet échec