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Dans les années 80, le Maroc a connu sa meilleure sélection nationale au jour d’aujourd’hui. L’un de ses meilleurs éléments était Aziz Bouderbala.

Tout supporters marocains qui a eu l’opportunité de le voir jouer, se rappelle de ses dribbles chaloupés et de ses passes magiques de l’extérieur du droit. C’est donc une légende vivante qui s’est livré pour nous. Il nous a parlé de ses enfants, de son épouse, de ses rêves d’enfance. Un témoignage poignant.

Quel genre d’homme est devenu le footballeur légendaire que vous étiez ?
En général, les sportifs sont des êtres égoïstes. Heureusement pour moi, j’ai su garder la tête sur les épaules, grâce aux personnes qui m’entourent, ma famille, mes amis. Si j’ai réussi ma carriére footballistique, c’est grâce à ce que je faisais avant ma carriére : le théâtre, la musique. A 17 ans, je portais déjà le maillot des Lions de l’Atlas, je faisais le tour du monde pour jouer au foot, j’étais une star mais j’ai su rester le même, un artiste dans l’âme.

Comment le football est arrivé dans votre vie et qu’avez-vous fait de mieux que les autres ?
C’est une question de chance. C’est la volonté de Dieu. Ça devait se passer comme ça. Dans la vie, on a toujours besoin de chance, besoin de quelqu’un qui vous tende la main et vous pousse à vous surpasser. Avant, je jouais au foot pour le plaisir. Puis un jour, un ami qui jouait pour le Raja m’a demandé de faire un test pour intégrer le club.

A l’époque, seuls le théâtre et la musique me fascinaient. Mon rêve était de devenir professeur d’art. Mais j’ai dû faire plaisir à cet ami, et c’est parti de là, j’avais 16 ans ! Deux semaines plus tard, le 15 octobre 1977, j’intégrais le WAC. Six mois plus tard, l’entraîneur de l’équipe nationale me convoquait pour porter le maillot national.

Qu’en ont pensé vos parents à l’époque ?
Je venais de perdre mon pére. Ma mére n’était pas très à l’aise quand à l’idée de laisser tomber mes études pour le ballon rond. Elle se faisait beaucoup de souci, puisque j’ai dû quitter l’école pour jouer au foot. Je ne pouvais pas concilier les deux.

Donc, j’ai choisi de caresser le rêve de tous les enfants de l’ancienne médina et de devenir footballeur. Je commençais à toucher des sommes correctes d’argent, des primes de matchs, à voyager &hellip Pour le gamin que j’étais, le rêve de plus en plus des allures de réalité.

Vous avez aimé votre enfance ? Quels souvenirs en gardez-vous ?
Oui beaucoup ! Je n’ai pas reçu de l’amour en paroles comme celui qu’on donne aujourd’hui aux enfants, mes parents n’avaient pas l’expression. Mais ils m’aimaient plus que tout. Ils me le prouvaient en me protégeant. Comme tous les enfants de l’ancienne médina, trois souvenirs me viennent à l’esprit.

D’abord, la mer. Nous habitions non loin de la mer, là où a été construite la mosquée Hassan II. Avant, il y avait la piscine municipale. J’y allais souvent avec les autres enfants du quartier. Puis la Grande Foire de Casablanca. Non pas pour les expositions et la bâtisse, là où on jouait au foot pendant des heures à taper dans le ballon. C’est sur ces terrains que j’ai appris à jouer au foot. Aujourd’hui, quand je passe à coté cela me chagrine, puisque ces terrains n’existent plus.

Vous êtes l’avant-dernier d’une fratrie de neuf fréres et s&oeligurs. Quelle relation avez-vous avec eux aujourd’hui ?
L’aîné à 67 ans aujourd’hui. Il était technicien. Le second travaillant à la banque, il est retraité. J’ai un autre frère qui a repris le travail de mon père : chauffeur de taxi, alors qu’il aurait pu faire fortune dans l’immobilier.
Et puis le dernier, travaille au ministère de l’Agriculture. Ceci dit, j’ai plus d’affinités avec mes sœurs. Je m’entends très bien avec elles. J’adore les femmes, moi qui n’ai eu que des garçons. Trois qui plus est ! La femme m’inspire, me fascine et m’intrigue depuis tout petit. C’est le symbole de la conciliation, des responsabilités et du dévouement.

C’est assez surprenant ! Ne souhaitiez-vous pas apprécier ce que le succés aurait pu vous apporter ?
Justement non ! J’ai toujours essayé de fuir ce cadeau empoisonné. Je me devais de réussir. Et pour y arriver, il fallait faire des choix mais aussi des sacrifices.

Et vous avez donc rencontré votre femme de toujours, Nathalie.
Deux ans plus tard, je quittais le Maroc pour la Suisse pour rejoindre le FC Sion. Le pére et le frére de Nathalie étaient des supporters mais aussi des adhérents du club. Ils m’avaient invité un soir à la maison, c’est là que j’ai rencontré celle qui allait devenir ma femme mais aussi la mére de mes enfants.

Elle était lycéenne encore. Elle était jeune. Nous avions six ans de différence. Elle avait également la même passion que la mienne, la musique. Elle faisait du piano.

Elle se convertira également à l’Islam. Une autre preuve d’amour à votre avis ?
Elle s’était convertie à l’Islam bien avant qu’on se marie, par conviction. Elle l’a fait à l’époque oû on se fréquentait. Evidemment, j’avais demandé l’approbation de son pére et de son frére. Ils savaient ce qu’elle représentait à mes yeux. Ils comprenaient aussi quel genre d’homme j’étais.

Lui-en êtes-vous reconnaissant ?
Absolument ! C’est une femme qui a fait beaucoup de sacrifices et qui en fait encore et toujours. Elle a toujours su être présente pour sa famille, ses enfants et son foyer. C’est une épouse exceptionnelle, c’est aussi une mére aimante et protectrice qui a eu le plus gros du travail à faire. Je n’ai pas toujours été présent.

Parlez-nous de vos fils.
Hanafi a 22 ans. Il prépare un Master en Management. Il partira à Toulouse pour les deux années scolaires qui lui restent. C’est le portrait de sa maman. Discret, sage et réservé. Yassine est à l’école des Ingénieurs en deuxiéme année, il a 19 ans. Et c’est Aziz Bouderbala en miniature. Enfin Kamil, le plus malin des trois et le chouchou de la famille.

Quel genre de pére êtes-vous ?
Je suis très copain avec eux. Quoique par moments, je prends le mauvais role pour recadrer un peu les choses. Je me donne ainsi le droit d’être un papa et un chef de famille.

Est-ce que vous vous rappelez de votre premier but ?
Je jouais encore avec le Wydad Casablanca. C’était à Rabat, face au FUS. Ils menaient 2-0. Mon but est venu renverser la partie.

Quel genre de sensations peut-on éprouver sur un terrain de foot ?
Il y a ceux qui jouent au foot, puis ceux pour qui le foot est une forme d’art. Pelé, Maradona étaient de ceux-là. Des artistes. Être sur un terrain de foot, était pour moi comme le fait d’être sur la scéne d’un grand théâtre, interprétant l’une de mes piéces préférées. Le public devait être satisfait et conquis par mon jeu. Je me devais d’innover.

Ces souvenirs restent-ils très présents en vous ? Ces sensations vous manquent-elles ?
Les souvenirs sont là, présents, et on se doit de vivre avec. On n’a pas le choix ! Quant aux sensations, non. J’ai eu la chance de passer à d’autres choses depuis. Des choses qui me procurent les mêmes euphories, si ce n’est plus.