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La capitale du foot marocain compte une multitude de clubs. Pas que le Raja Casablanca et le Wydad. Tour des stades dans lesquels des milliers de Casablancais se réunissent chaque week-end.

Le mythe de &ldquoDonor&rdquo

Pour se rendre au complexe Mohammed V, il suffit de demander à n’importe quel chauffeur de taxi de vous amener au &ldquoDonor&rdquo (stade d’honneur). Construit en 1953, ce temple du foot a d’abord porté le nom du boxeur Marcel Cerdan, célébre enfant de Dar Beida. Mais ce n’est qu’aprés l’indépendance que l’enceinte, rebaptisée &ldquostade d’honneur&rdquo, va acquérir ses lettres de noblesse, abritant de nombreuses compétitions internationales. A la fin des années 1970, &ldquoDonor&rdquo subit une série de transformations en prévision des Jeux Méditerranéens de 1983. Sa capacité est revue à la hausse et il est doté d’une annexe. Dans la foulée, il devient le &ldquocomplexe sportif Mohammed V&rdquo en hommage au pére de l’indépendance. Au fil des années et des compétitions, la &ldquoguerre&rdquo entre les verts du Raja et les rouges du Wydad va engendrer des lignes de démarcation : les verts s’approprient &ldquola Magana&rdquo et les rouges ont droit au virage, appelé communément &ldquoFrimija&rdquo. Le derby casablancais reste le rendez-vous annuel le plus suivi, puisque le stade peut accueillir un minimum de 50 000 spectateurs. &ldquoLe calendrier du championnat est établi de fa&ccedilon à ce que ces deux équipes ne jouent jamais le même jour à domicile&rdquo, précise Mohamed Lmir, ancien arbitre et directeur actuel du complexe. Malgré les occasionnelles pannes techniques et le vandalisme, en passant par les redoutables mouvements de foules, ce stade reste bien loti : vestiaires, salles de remise en forme. Et gr&acircce à l’antenne locale de la wilaya, l’administration du stade est très rodée. &ldquoLe Wydad et le Raja nous reversent 15% de leurs recettes &ccedila permet de couvrir une partie des frais de fonctionnement du stade. Les quelques millions qui restent, c’est la ville qui les débourse&rdquo, nous explique le directeur du complexe. Le seul probléme, et il est de taille, c’est que le stade se retrouve aujourd’hui en plein centre-ville, ce qui pose d’énormes difficultés logistiques (sécurité, transport et encadrement des supporters).

Aux bons soins du pére Jégo

Changement de décor. C’est dans le quartier calme de Beauséjour, o&ugrave le Wydad et le Raja possédent leurs centres d’entraînement, que se trouve le stade Pére Jégo, fief du Racing Club de Casablanca (RAC). Ce samedi-là, les &ldquoRacistes&rdquo affrontent le CODM de Meknés, pour le compte du championnat dit GNF II. Les gradins sont quasi-déserts : à peine 300 spectateurs. &ldquoAutrefois, on venait entre copains à pied depuis l’ancienne médina ou le quartier Bourgogne&rdquo, se rappelle l’un d’eux. Le développement de la Ville blanche a fait, aujourd’hui, que les supporters ne se recrutent plus au centre-ville mais dans les nouveaux quartiers périphériques de Lissasfa et Oulfa, loin, trop loin de l’antre du Pére Jégo. Doyen des clubs marocains puisqu’il a été fondé en 1917, le RAC a pris racine dans ce stade mythique construit en 1940. Ce n’est que depuis l’indépendance que l’enceinte porte le nom du Pére Jégo, en hommage à Mohamed Ben Lahcen Affani, célébre entraineur passé par le Wydad et le Raja. D’une capacité de 10 000 spectateurs, le &ldquoPére Jégo&rdquo est doté d’une tribune et d’une pelouse parmi les mieux entretenues de la ville. La gestion du lieu, donné par la ville en concession au RAC, ressemble à celle d’une entreprise privée. &ldquoJ’ai mon jardinier, mon atelier, mon plombier et mes électriciens, qui sont salariés du club&rdquo, souligne Abdelhak Mendoza, qui dirige le stade (et accessoirement aussi l’équipe du RAC). La fédération a d&ucirc injecter 3 millions de dirhams pour les frais d’entretien. Afin d’accompagner le passage au professionnalisme, Mendoza ambitionne de doter le stade d’un annexe avec gazon artificiel, d’un centre de formation et de m&acircts d’éclairage nocturne. &ldquoQuand on aura tout ces équipements, on sortira inchallah de l’enfer du GNF II&rdquo, lance Mendoza.

La pépiniére de l’Etoile

A l’autre bout de la rue, pas loin du Pére Jégo, se situe le terrain du stade de l’Etoile de la jeunesse sportive de Casablanca (EJSC), un club de 2éme division amateur. Si le terrain est vide, le café du club est bondé de policiers. qui suivent nonchalamment une série B américaine à la télévision. Quand la séance d’entraînement de 14h démarre, les joueurs de l’EJSC s’engouffrent sur le terrain en traînant des pieds. On les comprend : le terrain en hamri (terre battue) a des allures de décor lunaire. Parmi les footballeurs, un jeune subsaharien participe à l’entraînement. &ldquoC’est un joueur mis à l’essai, il loge dans un local au stade et le club lui verse un petit salaire&rdquo, précise le fringant directeur technique du club, Adil Rochdi, qui nous accueille, tout sourire, dans son bureau orné d’un grand poster de Adlemajid Dolmi et Baba, deux anciennes stars des Lions de l’Atlas. Longtemps porte-étendard du vieux quartier de Derb Ghallef, le club de l’Etoile est une pépiniére qui a fourni un grand nombre de joueurs aux clubs de l’élite. C’est dans ce stade construit en 1948, d’une capacité ne dépassant pas les 3000 spectateurs, que des joueurs comme Baba ou encore Fathi Jamal ont taquiné le cuir. Concédé par la ville au club de l’Etoile, le stade tourne avec peu de moyens : des aides ponctuelles de la fédération et de l’argent versé directement par les dirigeants du club. &ldquoEntre les frais fixes de fonctionnement du stade et les quelques salaires des entraîneurs et des responsables, on a du mal à s’en sortir&rdquo, confie Adil Rochdi. Et ce ne sont pas les deux millions de dirhams alloués pour rénover les vestiaires et la devanture qui vont garantir la viabilité du lieu. Mais la direction mise sur le plan national de réhabilitation du football pour doter le stade d’un terrain gazonné et d’un centre de formation, histoire de retrouver son lustre d’antan.

Le petit poucet du Rachad

Nous sommes à présent au quartier Sidi Bernoussi, à la périphérie nord de la ville. Pendant des années, un grand nombre d’équipes d’entreprises comme celles de General tire, Goodyear ou Somica ont fédéré les footeux du quartier, avant que la préfecture ne décide de construire un stade pour l’équipe fétiche de cette banlieue industrielle : le Rachad Bernoussi ou RB. Le jour de notre visite, plus de 60 bambins s’organisent, dans l’annexe du stade en terre battue, pour s’affronter en formant des groupes de six. Pendant ce temps, dans son bureau, le responsable de l’équipe des minimes affine, fiches en main, la liste définitive de son équipe type. &ldquoJe comprends qu’il soit difficile pour ces enfants de concilier sport et études&rdquo. Avec plus de 80 licenciés, le RB est devenu l’un des meilleurs fournisseurs pour les clubs de l’élite. Mais le Rachad reste un club pauvre. L’état des douches en atteste : excepté dans les vestiaires de l’équipe sénior, aucun robinet ne fonctionne. &ldquoContrairement aux autres clubs, le Rachad ne dispose pas du terrain en concession. L’équipe sénior a l’exclusivité pour y jouer, mais elle n’a pas le droit de s’y entraîner&rdquo, affirme un responsable du stade. De création relativement récente (1978), ce stade construit en plusieurs tranches peut accueillir 10 000 spectateurs. Il n’en attire, tous les week-ends, que le dixiéme. Faisant partie d’un complexe culturel englobant une maison de jeunes, deux terrains de mini-foot et un club de sport de combat, le stade est géré par la préfecture de Sidi Bernoussi avec des moyens dérisoires. Pour ne rien arranger, un autre &ldquorobinet&rdquo est en panne : les entreprises de la région, longtemps généreuses avec le club, ont arrêté de le soutenir. Résultat : le club, à l’image du stade, ressemble à un monument en état de décomposition.

Un g&acircchis nommé Philippe

Retour au centre-ville. A deux pas du boulevard des FAR s’éléve tristement le stade Larbi Ben M’barek, plus connu sous le nom de stade Philippe. Inutile de risquer votre vie en vous levant quand votre équipe favorite ouvre le score si vous n’êtes pas muni d’un brevet de parachutiste : les gradins ont été construits dans le mépris total des normes de sécurité, ce qui en fait aujourd’hui le stade le plus dangereux du pays. &ldquoDes milliards de centimes ont été dilapidés pour rénover ce stade et, au final, il ne sert à rien. Les questions sur les responsables de ce scandale demeurent sans réponse&rdquo, s’insurge cet élu de la ville. Ce stade foulé jadis par des joueurs mythiques comme Juste Fontaine ou Larbi Ben M’Barek est impraticable puisque fermé aux matches officiels. Il fait désormais tache dans le paysage du centre-ville de Casablanca. Si l’édifice continue malgré tout d’exister, c’est gr&acircce aux parkings et aux commerces qui l’entourent. &ldquoInterdit aux supporters, il sert de terrain d’entraînement aux catégories minimes et cadets du Wydad, en plus. des policiers qui viennent y effectuer leurs exercices physiques&rdquo, explique cette responsable du bureau local du Wydad. Quand on interpelle les responsables du stade et de la wilaya de Sidi Belyout sur le sort incongru du stade, c’est la grande omerta. Résultat : un monument en péril, un procés contre le cabinet d’architectes qui l’a &ldquorénové&rdquo et un éternel perdant, le football.

Grand stade. Prévu pour 2015.

Lancé en grande pompe, le stade ultramoderne de 80 000 places de Casablanca devait être érigé à Sidi Moumen. Dar Beida a misé sur ce nouveau temple du foot pour décongestionner le centre-ville, développer le quartier populaire de Sidi Moumen et préparer la Coupe d’Afrique 2016 pour laquelle le Maroc est candidat. Aprés la publication des résultats du concours d’architecture (remporté par le cabinet Archi Design et l’agence parisienne SCAU), le ministre de la Jeunesse et des Sports, Moncef Belkhayat, a pourtant annoncé le gel du projet. Il est question d’un changement de site. &ldquoLe quartier de Sidi Moumen a subi plusieurs mutations urbanistiques qui font que son plan d’aménagement doit être revu de fond en comble&rdquo, a justifié le ministre. Aujourd’hui, tout le monde s’interroge sur ce projet ambitieux, dont le co&ucirct était fixé à deux milliards de dirhams. &ldquoNous avons un sentiment de frustration, et nous n’avons aucune idée de la suite des événements&rdquo, confie un membre de Archi design. Dans les coulisses, le nom de Tit Mellil (en lieu et place de Sidi Moumen) revient avec insistance. &ldquoSi la piste de Tit Mellil se confirme, une bonne partie de notre travail devra être modifiée pour se conformer au plan d’aménagement du nouvel emplacement&rdquo, souligne un architecte. Au moment o&ugrave les nouveaux stades d’Agadir, Marrakech et Tanger sont inaugurés depuis un bon moment, la construction du grand stade de Casablanca est remise aux calendes grecques. Dire qu’il était initialement prévu pour le Mondial 2010.