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Au terme d’une saison compliquée, sur le plan sportif mais pas seulement, le milieu de terrain de Schalke 04 (Allemagne), Amine Harit s’exprime pour la première fois sur l’accident mortel qu’il a provoqué à l’été 2018.

Le début de carrière d’Amine Harit avait connu jusque-là une ascension linéaire. Vainqueur de l’Euro moins de 19 ans avec la France, en 2016, le milieu de terrain offensif (22 ans) s’est ensuite révélé aux yeux de la Ligue 1 avec Nantes puis de l’Europe avec Schalke 04. Vint ensuite cet accident survenu le 29 juin 2018.

Alors que le désormais international marocain roulait dans une rue de Marrakech, sa voiture a mortellement percuté un homme qui traversait la chaussée. Il a dû apprendre à vivre avec les conséquences de ce drame, au cours d’une saison très compliquée avec son club (14e du Championnat d’Allemagne).

« Il y a un an, vous étiez élu meilleur nouveau joueur de la Bundesliga et jouiez la Coupe du monde. Depuis, votre saison a été marquée par une succession de problèmes extrasportifs. Comment l’expliquez-vous ?

La Coupe du monde ne s’est pas trop mal passée, on a montré un beau visage du pays, même si on a été éliminés (en phase de groupes). Mais il y a eu des aléas de la vie, qui font que cette saison a été plus compliquée pour moi. Et cet accident, un drame difficile à oublier.

Je me suis senti un petit peu mieux une fois que j’ai parlé à la maman, à la famille

Dans quelles conditions s’est-il déroulé ?

On allait manger avec mon petit frère, aux alentours de 22 heures. Je ne roulais pas à une allure exceptionnelle mais je devais être à 10 ou 15 km/h au-dessus de la limite (elle est de 60 km/h en ville au Maroc). Il y a cette personne qui traverse. Et le choc. Je me suis garé un peu plus loin, à 100 ou 150 m de l’accident, parce que j’ai eu du mal à réaliser. C’est très compliqué de le faire dans l’instant. Et j’ai attendu l’arrivée de la police, en état de choc, le pire moment de ma vie.

Comment apprend-on à vivre avec cette culpabilité ?

C’était le début d’une période très compliquée. J’ai beaucoup pensé à cette personne. Il faut comprendre que, malheureusement, des accidents comme ça arrivent tous les jours.

Mes parents sont d’abord allés voir la famille du défunt, moi je n’étais pas bien du tout donc je leur ai parlé au téléphone. Je me suis senti un petit peu mieux une fois que j’ai parlé à la maman, à la famille, c’est ça qui me pesait le plus.

Ils m’ont dit qu’ils ne m’en voulaient pas, je leur suis vraiment reconnaissant.

Vous avez recommencé à jouer un mois et demi après. Y pensiez-vous toujours autant ?

J’ai essayé d’être le même que la saison dernière, j’ai tout fait pour, mais une fois sur le terrain, je me disais  »mais non, je n’y arriverai pas ». Au fond de moi, ça n’allait pas et je me mentais.

Il y eu cet article qui disait que j’allais tout le temps au casino

Sur le plan collectif, ça n’allait pas non plus.

Avec Schalke, on a perdu les cinq premiers matches. J’était titulaire à la première journée et je suis resté sur le banc les quatre suivantes. Ce qui m’est arrivé a été énormément commenté en Allemagne mais il n’y a pas qu’Amine Harit. Malheureusement, j’étais la cible la plus facile.

Êtes-vous surpris par votre absence de la liste du Maroc pour la Coupe d’Afrique des nations ?

Hervé Renard m’avait dit avant le stage de préparation que je partais parmi les trois « réservistes ». J’aurais pu lui dire : « Soit je suis dans les 23, soit je ne viens pas.  » Cette année m’a aidé à prendre de la maturité. Je manquais de rythme, je comprends son choix.

En janvier, votre coach, Domenico Tedesco, a mis en cause votre professionnalisme.

J’étais encore dans une période où je ramais un peu. J’avais eu une blessure (cuisse) et il y a eu cet article (dans Bild) qui disait que j’allais tout le temps au casino.

J’y suis allé trois ou quatre fois, en février 2018. C’est sorti en janvier 2019 et ça disait que j’y allais toujours. (Silence. ) Je n’ai jamais été accro. J’avais l’impression que les médias voulaient que je me cloître chez moi. Il fallait que je mette un masque avant de sortir ?

J’étais dans une paranoïa.

L’année dernière, vous expliquiez dans L’Équipe que vous véhiculiez l’image du « petit con qui voulait sortir en soirée » quand vous jouiez à Nantes. Qu’en est-il maintenant ?

J’ai donné le bâton pour me faire battre. Après, j’accepte qu’on parle beaucoup de moi mais je refuse le mensonge. J’ai eu aussi un déclic quand j’ai su que j’allais être papa (il l’est depuis fin mai). Dans le foot, tu peux faire des conneries mais avec un enfant, tu n’as pas le droit à l’erreur. J’ai compris qu’il fallait que je change mes habitudes.

Vous avez joué 25 matches au total (1 but, 3 passes décisives). Y a-t-il eu du positif cette saison ?

J’ai appris à savoir ce qui était bon pour mon foot. Pour que le cerveau fonctionne bien avec le corps. Des fois, ça ne revient jamais. Tu dois toujours essayer de tirer quelque chose de positif d’une situation. J’espère que j’en ai tiré cent pour cent et qu’il n’y aura plus aucun problème maintenant. »

Juin 2018, l’accident
C’était il y a presque un an, dans la nuit du 29 au 30 juin, juste après la Coupe du monde.

Amine Harit était impliqué dans un accident de la route qui entraînait la mort d’un piéton, à Marrakech. Poursuivi pour homicide involontaire, il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et à une amende de 8 600 dirhams (780 euros). Le Tribunal de première instance de Marrakech a aussi ordonné la suspension de son permis de conduire au Maroc pour une durée de huit mois.