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Depuis la « finale pour le maintien  »entre Sochaux et l’ETG en mai 2014, on avait un peu perdu de vue Roy Contout. Le Magazine Français So Foot retrouvé le fils caché d’Hervé Renard au Maroc, du côté de la Renaissance Sportive de Berkane.

Après une année au purgatoire en Belgique, le Guyanais semble renaître de ses cendres sous le soleil Marocain. On se rapproche de la fin du championnat marocain. Tu viens de vivre une deuxième expérience à l’étranger plus heureuse que la première l’an passé, en Belgique, avec Mouscron. Oui, beaucoup plus positive ! C’est vrai que l’an dernier en Belgique ça ne s’est pas vraiment passé comme je l’avais imaginé. Bon, déjà, on était basé à Lille, donc ce n’était pas réellement une expérience à l’étranger. J’étais venu à Mouscron pour apporter mon vécu et encadrer les jeunes. Je sortais d’une grosse saison avec Sochaux. Mais la mayonnaise n’a pas pris. Entre le discours qu’on m’a tenu au début sur ce que je pouvais apporter au groupe et la réalité du quotidien, le décalage était énorme. On avait un coach, Rachi Chibab, plus formateur dans l’âme qu’autre chose. (entraîneur des jeunes au LOSC entre 1992 et 2012, ndlr)Jeunes et anciens étaient logés à la même enseigne. Quand j’essaye de recadrer certaines choses et que le coach me reprend devant tout le monde. . Tu perds toute crédibilité et tu te sens un peu perdu. C’est vraiment dommage. Mais on apprend aussi dans la difficulté pour se construire en tant qu’homme. Ce fut une expérience de plus, la découverte d’un nouveau championnat, peu connu en France, mais intéressant. Avec des équipes de qualité en tête du championnat, comme on a pu le voir en Coupes d’Europe cette saison. Comment tu te retrouves à signer au Maroc, à Berkane, en août 2015 ? Après Beauvais, Metz, Amiens, Auxerre, Sochaux et Mouscron, tu t’es dit c’est le moment ou jamais de filer au soleil ? Un peu par hasard, en fait. J’avais eu plusieurs propositions, mais aucune ne me convenait réellement. Le Maroc je ne connaissais pas du tout. Le lendemain j’ai pris l’avion, j’ai pu voir les installations, le cadre de vie pour ma famille et j’ai eu des garanties financières, car le club est aussi celui du président de la fédé. Et voilà comment j’ai signé deux ans ici avec la RSB. Dans ta question tu dis ça en plaisantant, mais c’est vrai que le soleil a aussi une importance dans ce choix. Dans ma carrière c’est vrai que je n’ai pas eu droit à beaucoup de soleil. C’est sûr qu’ici à ce niveau là, je suis servi ! Et puis, à part avec l’AJA pendant deux saisons, le reste du temps j’ai souvent joué le maintien et ça crée une fatigue nerveuse à la longue. Avec Berkane, on joue le haut du tableau, c’est quelque chose de différent dans l’approche et dans le quotidien. Tu es plus tranquille quand tu joues les premières places du championnat. Que connaissais-tu du championnat marocain avant ton arrivée ? Et après presque une saison entière ici, comment juges-tu le niveau de la Botola pro ? Comme pour le championnat belge, je ne savais pas grand-chose avant d’arriver. J’ai été surpris par le niveau technique des joueurs ici. Dans l’ensemble, ce n’est pas mal du tout, et pas que les attaquants ou les milieux offensifs. Même les défenseurs et les gardiens jouent au ballon. On sent que beaucoup de joueurs sont passés par le foot de rue et ont une bonne base technique. Au niveau des duels aussi, c’est assez physique et les arbitres laissent jouer beaucoup plus qu’en Ligue 1. Le seul manque, pour moi, se situe au plan tactique. Tout ce que l’on apprend dans les centres de formation en fait : le placement défensif, comment contourner un bloc, le positionnement par rapport au jeu et aux autres joueurs. Ici, ça joue un peu trop sur le ballon, mais le niveau d’ensemble est plutôt bon. Ton intégration s’est déroulée sans problème ? As-tu déjà adopté certains us et coutumes marocains ? Tranquillement. Il y a quelques joueurs francophones(le Franco-Marocain Nabil Berkak, les Maliens Mohamed Konaté et Cheibane Traoré, le Burkinabé Issoufou Dayo, ndlr)donc ça aide. Tous les autres joueurs font des efforts pour venir vers toi et c’est vraiment sympa. Après, parfois, sur le terrain, il y a eu quelques incompréhensions quand j’ai voulu expliquer certaines choses, sur le plan tactique justement, qui ont été mal prises. Mais tout est vite rentré dans l’ordre autour d’un verre de thé. Si il y a bien quelque chose que j’ai adopté ici, c’est bien le thé à la menthe. Et aussi le jus d’orange, c’est la région des oranges à Berkane. Je serai capable de revenir ici juste pour ces deux choses ! Depuis le Maroc comment as-tu vécu les événements du 13 novembre en France? On était en déplacement avec l ‘équipe, et c’est Nabil Berkak qui a vu les infos sur son smartphone. On était choqués et en même temps habités par un sentiment d’impuissance terrible. Après, ici, on n’y pense pas forcément au quotidien, car on se dit que l’objectif de ces gens-là, c’est plus de viser l’Occident. Mais j’ai de la famille en région parisienne et c’est vrai qu’on y pense un peu, c’est quelque chose qu’on a dans un coin de la tête. À Sochaux, Hervé Renard avait déclaré en conférence de presse « Voilà mon fils !  »en te claquant la bise. Où en est votre relation père-fils ? Attention, il a d’autres fils cachés et je vais donner des noms ! Pour moi Hervé Renard est un coach extraordinaire, sérieux, discipliné et qui sait très bien gérer ses joueurs. Je crois que ses expériences en Afrique lui ont beaucoup apporté dans sa gestion des hommes. Par exemple, il a su comprendre que certains joueurs africains, ou moi par exemple, nous sommes plus dans la réaction que dans l’action. Et ça, lui, il l’accepte et il sait très bien s’en servir. Attention ça ne l’empêche pas d’avoir des conflits. Moi, par exemple, une fois avec Sochaux à la mi-temps d’un match, il me dit : « Roy on compte sur toi pour la deuxième mi-temps !  »On reprend le match, on prend un but et il me sort. Et ? Bah, en sortant, forcément, je montre mon mécontentement. Le match d’après contre l’OM, il me sort du groupe en me disant : « Voilà c’est ma décision par rapport au groupe, mais je compte sur toi pour tous les autres matchs de la fin desaison.  »Il a su se faire respecter tout en me maintenant sous pression. Et ses discours d’avant-match c’était quelque chose ! Un truc de fou ! On avait la chair de poule, les poils hérissés, la salive aux bords des lèvres rien qu’en l’écoutant. On était prêts à aller au combat avec lui ! Avec ses causeries pas besoin d’échauffement après, on était déjà chauds ! C’est dommage qu’il n’ait pas réussi à Lille cette saison. Je ne l’ai pas eu au tel depuis son départ, mais j’espère qu’on en parlera bientôt . En fait, il a peut-être quitté Lille et a décidé de prendre la sélection du Maroc pour se rapprocher de toi ? Pour un rapprochement familial donc ? Peut-être ! C’est lui qui m’a suivi en tout cas, j’étais ici avant lui ! J’espère qu’il va réussir de belles choses avec la sélection marocaine. Le potentiel de joueurs est là et lui a son expérience et les titres qui parlent pour lui. Il a quand même gagné deux fois la CAN avec deux équipes différentes (Zambie et Côte d’Ivoire). Ce n’est pas rien. Je pense que le Maroc a fait le bon choix avec Hervé Renard. Et ses autres fils cachés, qui sont-ils alors? Ah oui! Alors, déjà, il y a Jordan Ayew, lui c’est vraiment abusé, c’est son chouchou ! Et puis il y a les deux Zambiens qu’il a ramenés avec lui à Sochaux, Sunzu et Sinkala. Il a même fait suivre Sunzu avec lui à Lille, c’est pour dire. Donc il n’a pas que moi comme fils caché ! Tu as déclaré que le match pour le maintien, lors de la dernière journée en 2014 avec Sochaux contre l’ETG, « c’était comme une finale de Coupe du monde  ». C’est le plus gros regret de ta carrière, mais aussi un de tes meilleurs souvenirs ? Oui, c’est exactement ça. C’était la folie autour et dans le stade ! C’était magnifique tous ces gens avant le match, qui escortent le bus sur la route et qui nous portent vers le stade. Les familles qui se garent à deux kilomètres et qui viennent à pied. Tu sens que tu donnes du bonheur aux gens en réalisant ton métier, ce sont des moments inoubliables dans une vie. Tu es heureux de participer à ça, de faire partie de ça. On avait réalisé une deuxième partie de saison exceptionnelle et ce dernier match c’était une finale. Je m’en souviens très bien, c’était le 17 mai 2014. Je revois les images, c’était beau. Avant le match on était survoltés. J’avais pas besoin de m’échauffer ce jour-là. J’étais chaud, j’étais comme un diable sur le terrain ! Mais cette pression n’a pas été positive pour tous les joueurs. Et ce match on l’a loupé. Collectivement on a failli. C’est une des plus grosses déceptions de ma carrière. J’en ai pleuré je crois. Parlons un peu maintenant de tes sélections en équipe de Guyane. Ta première cape date de 2012, avec une victoire contre le Suriname (2-1) et un but à la clé. Cela représente quoi pour toi de jouer pour la Guyane ? La Guyane ça représente beaucoup pour moi, même si je ne le dis pas assez souvent. Je suis très chauvin, très attaché à ma patrie. Je suis parti à 15 ans, mais le cordon ombilical n’a jamais été coupé. Je rentre tous les ans voir ma famille et ma belle-famille. C’est vital pour moi. Alors la sélection c’est vraiment quelque chose de particulier, un sentiment très fort. On sait qu’il y a un problème de reconnaissance pour les sélections des DOM-TOM. Les clubs pros ont toujours autant de réticences pour libérer leurs joueurs ultramarins ? Malheureusement, on n’a pas beaucoup de dates et de compétitions, mais les choses avancent peu à peu. Maintenant on joue sur les dates FIFA, donc c’est plus facile pour les clubs de libérer les joueurs ultramarins. L’an dernier en match de barrage contre le Honduras, qui avait joué la Coupe du monde au Brésil, on gagne 3-1 à l’aller. Mais au retour il nous manque quelques pros(le gardien Donovan Léon, Sloan Privat et Ludovic Baal, ndlr)et on perd 3-0. C’est dommage mais ça montre qu’on peut réussir de belles choses. En plus, on a un sélectionneur, Jaïr Karam, qui fait beaucoup pour faire évoluer les choses dans le bon sens en Guyane. Tu te vois t’investir dans le football guyanais après ta carrière ? Oui, j’ai vraiment envie de rendre à la Guyane ce qu’elle m’a apporté. Je ne pourrais pas me regarder dans une glace si je ne le fais pas. En Guyane on n’a pas eu beaucoup de joueurs pros(Lama, Darcheville, Malouda dans le passé, ndlr), donc, si en m’investissant dans le foot guyanais je peux aider à en sortir un peu plus, ce serait bien. La situation en Guyane n’est pas facile, il y a beaucoup de problèmes. Le foot ce n’est pas LA solution, mais ce serait déjà un exemple positif de réussite. Essayons d’avoir plus de joueurs guyanais qui arrivent à être pros et une sélection de Guyane avec des résultats positifs. Cela permettra de mettre en avant des aspects positifs de notre patrie. Tu peux réaliser trois vœux avant la fin de ta carrière. On t’écoute. Premièrement, rejouer en Ligue des champions. Parce que j’ai l’impression de ne pas avoir assez profité de cette expérience à Auxerre, de ne pas avoir assez savouré ces moments-là, quand on a joué contre le Real de Madrid, l’Ajax d’Amsterdam et l’AC Milan en phase de poules. Comme l’impression d’avoir été trop sur la réserve. Si demain je pouvais rejouer un match de Ligue des champions, je jouerais libéré, je ferais des passements de jambes, j’en profiterais beaucoup plus ! Ensuite j’aimerais jouer en Angleterre, car c’est un championnat qui m’a toujours attiré. Et enfin. avoir un garçon ! J’ai trois filles, donc maintenant j’aimerais bien avoir un petit. Il ne me reste plus beaucoup de cartouches, une ou deux ! Alors un petit ce serait sympa(rires)!