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Nous sommes le 1er mai 1974. Près de 25000 supporters se sont déplacés au Complexe Mohamed V (à l’époque appelé Stade d’honneur) pour assister à l’une des rencontres les plus mémorables de l’histoire du Wydad de Casablanca. Une première qui va mettre les Rouges aux prises avec le tout-puissant FC Barcelone emmené par le triple ballon d’or Johan Cruyff.

   

De grands clubs comme l’Inter de Milan, le Real Madrid, le stade de Reims ou encore Boca Junior avaient déjà disputé des matchs devant les supporters marocains à l’occasion de la Coupe Mohamed V (1962-1980), mais jamais le Barça n’a été convié à disputer un match amical de gala face à une formation marocaine. Aucun trophée n’est en jeu, si ce n’est celui symbolique de l’amitié.

Les vrais fans de foot vivent un rêve éveillé. Cette utopie devient réalité, d’autant plus qu’à l’époque le Barça vient de recruter le meilleur joueur du monde : Maitre Johan Cruyff.

Ce dernier va d’ailleurs réussir à la fin de cette saison à ajouter la Liga à son tableau de chasse, permettant ainsi au Barça de renouer son idylle avec le Championnat d’Espagne après 11 années sans succès.  

Mekouar, l’homme qui a amené Cruyff  

Voir Cruyff, Asensi et Rexach évoluer face à Shaita, Ahardane et Moujahid était juste un luxe pour les supporters marocains en général et pour les Wydadis en particulier. Un homme avait réussi à exaucer le v&oeligu de tant de supporters : l’ancien président du WAC, Abderrazzak Mekouar. Tout était parti d’une promesse faite aux dirigeants lors d’une assemblée générale ordinaire du club où il avait pris l’engagement d’inviter à Casablanca l’équipe la plus spectaculaire du moment. Cette équipe-là n’avait perdu aucun match depuis l’arrivée de Cruyff dans ses rangs et elle venait, quelques mois plus tôt, d’étriller le Real Madrid dans son fief du Santiago Bernabeu sur le score sans appel de 5 buts à 0.

À vrai dire, personne au sein du comité n’avait pris le rêve éveillé de Mekouar pour autre chose qu’une promesse gratuite, à la limite de la plaisanterie. Jusqu’à ce jour de fête du Travail où feu Abderrazak Mekouar a annoncé en grande pompe l’arrivée de ces stars mondiales.

L’histoire ne dit pas comment ce demi-miracle (pour les amateurs de foot) s’est produit. On sait juste qu’à cette époque, Abderrazak Mekouar est directeur général de l’Office de Commercialisation et d’Exportation (OCE), un établissement public marocain dont l’un des bureaux les plus importants se trouve alors à Barcelone. On peut donc supposer que l’OCE a eu un rôle déterminant pour convaincre les dirigeants catalans ou au moins pour mettre en relation les dirigeants des deux clubs.   

La vérité du 28 avril 1974, c’est qu’un avion transportant toutes les vedettes du club espagnol atterrit à l’aéroport Mohamed V. Les Blaugrana, ravis de l’accueil des Marocains, ont déjà conscience que la rencontre attirera la foule des grands jours.

Un Match aux allures de fête

Tout indique que le Wydad de Casablanca, emmené par des joueurs du calibre de Shaita, Moujahid, Petchou ou encore l’emblématique gardien Abdelkader, ne va pas se démonter face aux stars du club catalan. Tous les amoureux du football présents ce jour-là au stade savent qu’ils vont assister à une rencontre conforme à la renommée de ces deux équipes.

Il faut dire que dès l’entame du match, le Barça va donner le ton : but de De La Cruz à la 9e minute. Il faut quinze minutes aux Wydadis pour riposter par une réalisation du feu follet Moujahid. Ce dernier surprend en effet le gardien barcelonais à la 34e minute. Le Stade se souvient sans doute encore du frisson de joie général qui a envahi les supporters marocains quelques centièmes de seconde avant qu’ils laissent éclater une joie frénétique et bruyante.

Ahmed Faras, l’une des stars du Championnat marocain, avait été invité par les dirigeants du WAC à évoluer avec l’équipe première des Rouges à l’occasion de ce match. Associé à toutes les vedettes du club, dont Abdelhak, Abou Ali, Zeghrari, Bidida, Hammouni et Lachheb, le futur Ballon d’Or africain et ses coéquipiers livre ce jour-là un match mémorable.

Euphoriques après leur égalisation, les Wydadis vont faire plus que jeu égal avec leurs prestigieux adversaires. En football, l’envie est un élément décisif. Celle des Casablancais est forte, très forte, mais pas suffisamment pour venir à bout de l’expérience de joueurs professionnels de ce calibre et qui côtoient les sommets que l’on sait.

Ce talent du FC Barcelone se matérialise par deux autres buts signés Juanito et Marcial.

Beaucoup de défaites sont amères. Pas celle-là : toutes les composantes du WAC, dirigeants, joueurs et supporters, sortent satisfaites de cette expérience unique. Témoin de cette période et illustre protagoniste de cette belle histoire en tant que joueur, Abdelmajid Shaita ne dit pas autre chose: &ldquoC’était un match aux allures de fête. C’était une immense joie pour nous tous d’évoluer avec notre club de c&oeligur contre une équipe de renommée mondiale et qui avait dans ses rangs de si grands joueurs.  Même si nous avons perdu, nous avons fait une excellente rencontre. Les supporters étaient d’ailleurs très fiers de notre prestation. &rdquo

Le Barça porte la Djellaba 

Au terme de ce match, la fête quitte les tribunes du Stade d’honneur pour se poursuivre au domicile familial du président. Abderazzak Mekouar organise un dîner à l’honneur du Wydad et du Barça.

Gastronomie marocaine, cornes de gazelle et thé à la menthe sont au menu tandis que le chanteur vedette Ahmed Hassane a en charge l’ambiance orientale de la soirée. Pour marquer ce diner d’une véritable empreinte marocaine, le président Mekouar a offert aux joueurs barcelonais djellabas et tarbouches. Pendant toute la durée de cette soirée, aux allures de cérémonie, tous les Blaugrana les arborent, à l’exception de Johan Cruyff, qui finit tout de même par changer d’avis à la fin du dîner par respect aux hôtes du jour.

Parmi les invités de ce diner exceptionnel, de grands journalistes comme Houcine El Hayani, Omar Darragi, Ahmed El Gharbi ou encore Hamid El Barhami, mais aussi des joueurs. Jusqu’à une heure fort tardive, tout ce beau monde se perd avec plaisir dans de longues discussions.  À 5 heures du matin, les joueurs Blaugrana reprennent la direction de l’hôtel, où ils restent deux jours de plus pour profiter de leur séjour casablancais.