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Hervé Renard est devenu depuis son titre surprise avec la Zambie en 2012 un homme qui compte dans l’histoire du football africain. Son succès avec la Côte d’Ivoire, ensuite en Guinée équatoriale en 2015 a ajouté à son aura. Depuis il a ramené le Maroc en Coupe du monde (2018 en Russie) pour la première fois depuis 1998 et espère obtenir en Égypte un nouveau titre avec trois pays différents (*). Il nous explique son rapport à ce continent.

« Avez-vous tout de suite accepté de venir au Ghana quand Claude Le Roy vous a contacté en 2007 pour devenir son adjoint ?
Non et franchement, j’ai hésité car c’était pour moi le grand saut. Quand vous n’êtes pas habitué à partir de France, vous avez parfois une vision un peu rétrécie du monde. Et ça a été la chance de ma vie. Quand je dis de ma vie, je ne pense pas professionnelle mais de manière plus générale. Moi qui n’avais pas spécialement vu de choses, je me suis nourri de ces années sur le continent. En plus le Ghana pour débuter. Je me souviens quand j’ai dirigé l’entraînement, la veille de mon premier match amical à Londres, je devais avoir 40 de fièvre tellement j’étais stressé (rire). J’étais impressionné, je n’ai pas peur de l’avouer. J’étais comme un enfant au milieu d’une équipe de stars africaines. Il a vite fallu surmonter ça car c’était mon métier.
Vous avez été donc initié par Claude Le Roy.
. Tout ce que je vis, c’est grâce à Claude le Roy. Et ce qu’il m’a apporté restera primordial. À ses côtés, au Ghana, j’ai appris, observé. Je lui donnais mon avis en tant qu’adjoint ce qui est le plus facile et lui prenait les décisions (rire). Ce passage avec Claude, une personne mythique en Afrique, a été magnifique. Il m’a raconté tellement d’anecdotes, sur le Cameroun, sur le Sénégal. J’ai bu ses paroles, j’ai retenu. Encore aujourd’hui, j’ai des flashs qui me reviennent. Moi qui arrivais du National, je devenais adjoint de joueurs incroyables. Je n’avais jamais vu un garçon du niveau d’Essien et pour cause (rire).

« Vous avez vu la victoire de la Coupe du monde en France, cette ferveur sur les Champs ? À notre échelle en Afrique, avec la Zambie ou la Côte d’Ivoire, ça a été pareil »

Que vous a apporté l’Afrique ?
Une ouverture d’esprit que je n’avais pas. Je me suis transformé. J’ai changé radicalement ma façon déjà d’être un entraîneur aussi. J’étais trop figé sur des principes, le temps m’a appris à manager. Il faut s’adapter, avoir cette capacité à lâcher un peu mais garder sa rigueur. Ce n’est pas évident mais passionnant. J’ai vécu des choses fabuleuses. On ne peut l’expliquer à personne, il faut le vivre pour le ressentir. Vous avez vu la victoire de la Coupe du monde en France, cette ferveur sur les Champs ? À notre échelle en Afrique, avec la Zambie ou la Côte d’Ivoire, ça a été pareil.

Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
Les deux journées qui ont suivi nos succès avec la Zambie et la Côte d’Ivoire en CAN. Le jour de la victoire, c’était beau mais ce n’était pas à domicile donc on est sortis du stade, on est rentrès à l’hôtel. Le lendemain, c’était magique avec ces milliers de gens dans les rues. Des émotions uniques. J’ai vécu plein de choses, un quart avec la Zambie en 2010, perdu aux tirs au but contre le Nigeria, j’ai gagné deux CAN (2012, 2015), fait troisième du CHAN en 2009, remporté la COSAFA en 2013 (tournoi d’Afrique de l’est), qualifié le Maroc pour la Coupe du monde dans une ambiance aussi exceptionnelle.

Et si vous n’aviez connu l’Afrique ?
Je ne me pose pas cette question. La seule question que je pourrais me poser, c’est : comment ferais-je si je ne pouvais plus venir en Afrique ? J’ai une petite fille de six ans en Zambie, j’ai donc des racines africaines à vie. On ne pourra jamais m’enlever ça. Je finirai ma vie sur cette terre, j’ai une maison au Sénégal, à Saly. J’espère qu’on m’accueillera toujours car je ne suis pas chez moi (rire). Il faut d’abord avoir un comportement qui permette d’être bien accepté. Quelque chose me correspondait en fait ici. Pourtant, j’aime plutôt le calme, la tranquillité mais j’ai trouvé humainement des rapports qui m’ont enrichi. Et pour moi, ça reste la base des relations. Chaque pays traversé est différent mais m’a offert énormément. Quand je me retourne sur ma vie, c’est un pur bonheur. J’ai connu des moments difficiles – et il y en aura encore – mais je me raccrocherai à ça. Dans la balance, le positif l’emportera toujours sur le négatif. C’est ce que l’Afrique m’a appris, voir le bon côté des choses plutôt que le mauvais. C’est une philosophie importante pour son propre bien-être. Pour se protéger soi-même. Aujourd’hui, je ne suis plus le même. L’Afrique m’a tant apporté.

(*) Les autres triples vainqueurs : Hassan Shehata avec l’Égypte (2006, 2008, 2010) et Charles Kumi Gyamfi avec le Ghana (1963, 1965, 1982).

SourceAFP
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